La pandémie de la COVID-19, toujours un cas de force majeure?

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C’est notoire, la pandémie de la COVID-19 a le dos large. Les restrictions sanitaires qui en ont découlé ont été reconnues à maintes reprises comme constituant un cas de force majeure, un motif qui justifie de ne pas remplir ses obligations contractuelles. Toutefois, la pandémie de la COVID-19 peut-elle toujours être assimilée à un cas de force majeure ? Non.

Le Code civil du Québec, à l’article 1470, définit la force majeure comme suit :

« […] La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible ; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères. »

Cette définition laconique fait en sorte qu’il est fortement recommandé aux parties à un contrat de prévoir une version contractuelle de la notion de « force majeure ». De cette façon, elles peuvent y inclure des éléments qui pourraient ne pas remplir tous les critères de la loi, mais qu’elles considèrent tout de même comme constituant un empêchement important contre lequel elles veulent se protéger. En effet, à défaut d’une définition contractuelle qui énonce clairement en quoi consiste un cas de force majeure, en cas de litige, un tribunal exercera sa discrétion et interprétera les faits particuliers de l’affaire en question.

C’est donc en se penchant sur les faits particuliers de l’affaire que la Cour supérieure a récemment jugé que la pandémie de la COVID-19 ne pouvait justifier une partie de refuser de passer titre en matière immobilière[1].

Une offre d’achat sur l’immeuble des défendeurs est acceptée en janvier 2020. La signature de l’acte de vente est prévue le 15 avril 2020, avec prise de possession par les demandeurs le 3 mai 2020. Toutefois, entre-temps, l’état d’urgence sanitaire est déclaré par le gouvernement québécois le 13 mars 2020. Les défendeurs refusent alors de donner suite à l’offre d’achat et de vendre l’immeuble. Ces derniers allèguent que les directives gouvernementales les empêchaient de trouver une nouvelle résidence répondant à leurs besoins et, par conséquent, de vendre la leur.

Le tribunal considère que la situation possède bel et bien le caractère d’imprévisibilité requis pour être qualifiée de force majeure, mais pas celui d’irrésistibilité. La preuve démontre que la pandémie de la COVID-19 a rendu plus compliquée l’exécution des obligations des défendeurs, mais n’a pas empêché ces derniers, de manière absolue, de passer l’acte de vente et de donner possession de l’immeuble aux demandeurs aux dates convenues. En effet, les difficultés rencontrées par les défendeurs pour se trouver une nouvelle résidence répondant à toutes leurs exigences dans les délais fixés n’ont pas rendu l’exécution de leur obligation de passer titre aux demandeurs absolument impossible.

Le tribunal ajoute que même s’il avait conclu à l’existence d’un cas de force majeure, les obligations des défendeurs découlant de l’offre d’achat acceptée n’auraient pas été complètement éteintes. Il n’y aurait eu que suspension de celles-ci. Les délais prévus pour passer titre et prendre possession de l’immeuble ne représentaient pas une composante capitale de l’offre d’achat. Un retard ne justifiait pas résolution. Par ailleurs, rien n’empêchait les défendeurs de chercher une nouvelle résidence dès la reprise des activités immobilières en juin 2020 et d’honorer leurs obligations. Pour ces raisons, le recours en passation de titre a été accueilli et les défendeurs ont été condamnés à payer aux demandeurs 52 747 $ à titre de dommages-intérêts.

Avant de tout blâmer sur la pandémie de la COVID-19, il faut tout de même porter une attention particulière à l’application de la doctrine de la force majeure aux faits particuliers de l’affaire. Aussi, le meilleur remède demeure de bien définir cette notion dans les contrats et donc d’immuniser les parties contre d’éventuelles conséquences fâcheuses.

 

[1] Landry c. Larue, 2022 QCCS 3671 (28 septembre 2022).

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