La norme de fabrication

La norme fait partie de la panoplie des mesures que le fabricant doit adopter pour se protéger dans un monde marqué par des bouleversements technologiques de plus en plus nombreux, rapides et importants.

La norme est une règle fixant la réalisation d’une opération, de l’exécution d’un objet ou de l’élaboration d’un produit dont on veut unifier l’emploi ou assurer l’interchangeabilité. La norme existe depuis longtemps dans diverses industries sous la forme d’une coutume, un ensemble d’usages ayant acquis l’adhésion des acteurs d’un secteur commercial ou industriel donné. Elle a évolué pour définir un ordre s’imposant au manufacturier à divers degrés.  Vue sous cet angle, la norme est réputée refléter les règles de l’art. Les différents organismes d’accréditation (par exemple l’Association canadienne de normalisation) réunissent divers représentants du monde économique. Ensemble, ils élaborent des normes qui sont censées recueillir l’assentiment de la communauté scientifique et industrielle. Les normes ACNOR reflètent ainsi le consensus de producteurs et d’usagers. La norme se veut une entente raisonnable parmi les points de vue d’un certain nombre de personnes compétentes dont les intérêts réunis forment, au degré le plus élevé possible, une représentation de l’opinion des acteurs intéressés.

Le fabricant peut opter pour faire accréditer un produit donné, afin qu’il réponde aux exigences de la norme. Ce processus de normalisation est long et coûteux mais il donne au produit une reconnaissance technique et une notoriété scientifique qui vont accentuer sa conformité.

Si dans certains cas, la norme s’impose par voie réglementaire et est donc obligatoire, elle demeure, dans la plupart des cas, au choix du fabricant .. Tout produit contrevenant à une loi ou à un règlement sera privé de l’accès à la normalisation. Une fois dûment accrédité, le produit est réputé se conformer à la norme, ce qui le revêt d’une valeur reconnue tant par les clients institutionnels que les distributeurs et consommateurs. Pour pouvoir soumissionner dans un appel d’offres, il peut arriver qu’il faille fournir un produit répondant à une norme donnée.

Mais le fait qu’un produit soit conforme à une norme protège t-il le fabricant en cas de défaut du produit? Le seul fait de respecter une norme n’est pas nécessairement suffisant dans tous les cas pour exonérer l’opérateur de toute responsabilité. Ainsi, un meuble peut être parfaitement conforme à une norme régissant les proportions et le poids du meuble. Si pourtant le meuble se renverse et blesse une personne du fait, par exemple, d’un problème d’équilibre inadéquat des composantes du meuble, la défense fondée sur la conformité à une norme risque de ne pas être suffisante pour écarter la conclusion qu’un vice de conception a engendré la perte. Le fabricant aurait ainsi omis de tenir compte du potentiel d’effet de levier d’un tiroir trop chargé par rapport à la structure générale du meuble. La norme ne visant pas ce risque, le fabricant devait tenir compte d’autres phénomènes et de facteurs afin de s’acquitter pleinement de ses devoirs envers le public.

Cependant, sauf preuve d’une contradiction flagrante ou évidente entre la norme et la règle de l’art, le fait d’avoir respecté une norme doit protéger le fabricant. C’est ainsi que la majorité des cas portés devant les tribunaux ont abordé la question.  Plus une norme est appliquée dans un secteur donné, plus son respect permet au fabricant de s’assurer de la protection des tribunaux car la norme permet la fabrication d’un produit exempt de vices ou de défauts. Si le produit fait défaut, le fabricant ne devrait pas être tenu responsable. C’est d’ailleurs la portée de l’article 1473 C.C.Q. Le fabricant n’est pas tenu d’employer le meilleur matériau, la meilleure technique s’il démontre qu’il a respecté une norme reconnue dans son industrie comme étant suffisante et qu’il ne pouvait déceler le défaut de sécurité ou le risque causal.

C’est donc au moment où le produit est fabriqué que la norme alors en vigueur compte et non celle qui existe lors d’un accident ou d’un défaut plusieurs années après. La science et les connaissances évoluent rapidement et le fabricant doit se tenir au courant de cette évolution technologique qui peut parfois rendre plus ou moins rapidement désuète une norme et ainsi le priver à son insu de la protection qu’elle offrait jusqu’à ce moment. La question qui peut alors se poser est la responsabilité potentielle de l’organisme de normalisation qui aurait fait défaut de mettre à jour la norme afin qu’elle soit conforme aux connaissances techniques ou scientifiques. Le fabricant qui s’est fié à la norme à son détriment pourrait rechercher en garantie cet organisme.

 Conseil : Le fabricant doit se tenir au courant des normes qui régissent son industrie mais il doit aussi connaître les progrès technologiques, les découvertes, les changements qui se produisent et qui deviennent des règles de l’art. Ce flux peut rendre la norme dépassée ou insuffisante pour protéger le fabricant.

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