Le contrat de courtage immobilier ne peut constituer une promesse unilatérale de contracter

L’article 1388 du Code civil du Québec stipule qu’ “est une offre de contracter, la proposition qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé et qui indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation”.

L’article 1390 de ce Code ajoute que l’ “offre de contracter peut être faite à une personne déterminée ou indéterminée; elle peut être assortie ou non d’un délai pour son acceptation. Celle qui est assortie d’un délai est irrévocable avant l’expiration du délai; celle qui n’en est pas assortie demeure révocable tant que l’offrant n’a pas reçu l’acceptation”.

Le juge Baudouin, dans l’affaire Royal Lepage Des Moulins inc. c. Baril (J.E. 2004-623 (C.A.)), avait laisser entendre, en obiter dictum, que le contrat de courtage immobilier pouvait constituer une promesse de vendre, lorsqu’il rappelait le principe général qu’une offre suivie d’une acceptation lie les parties.

Il n’avait toutefois pas étudié la situation au regard de la Loi sur le courtage immobilier et des règlements adoptés en vertu de cette Loi.

Il devait alors plutôt trancher quant à savoir si celui qui met sa maison en vente par l’entremise d’un courtier, bien qu’il ne soit pas obligé d’accepter une promesse d’achat sur le prix demandé, il doit cependant indemniser le courtier qui a fait son travail et qui lui a apporté une promesse d’achat pour le prix demandé.

Depuis cette décision, les courtiers mentionnent souvent, dans les fiches descriptives, que la fiche ne constitue pas une offre de vente qui lie le propriétaire.

Qu’advient-il s’ils ne le font pas?

C’est ce que la Cour d’Appel du Québec a eu à trancher, dans une affaire plus récente, soit l’affaire Lavoie c. Bernier (Succession de) (200-09-006278-086).

Dans cette dernière affaire, un dénommé Samson, propriétaire d’un immeuble, a retenu les services d’un courtier, lequel a préparé une fiche descriptive mentionnant que le prix demandé était de 68 000 $.

Désirant acquérir l’immeuble, un dénommé Lavoie a communiqué avec le courtier, lequel lui a fait signer un document qui n’est pas autre chose qu’une promesse d’achat formelle, cela au prix demandé et sans aucune condition.

Cependant, concomittamment, une autre personne a communiqué avec le courtier et a elle aussi signé une promesse d’achat formelle pour une somme supérieure au prix demandé.

Le courtier a présenté les deux offres à Samson, comme la Loi sur le courtage immobilier et ses règlements le lui prescrivent.

Lavoie soutient que, puisqu’il a accepté d’acheter l’immeuble au prix demandé, la promesse d’achat formelle qu’il a signée n’est pas juridiquement une promesse d’achat, mais une acceptation d’une offre de vente faite en application de l’article 1388 C.c.Q.

La Cour d’Appel estime que cette position est mal fondée.

Elle ajoute que, lorsque Samson a retenu les services du courtier, il s’attendait à ce que celui-ci procède selon la Loi et les usages en matière de courtage immobilier. Or, selon la Loi et ces usages, ce que les courtiers recherchent ne sont pas des acceptations de soi-disant offres de vente, mais des promesses d’achat.

Le législateur a voulu bien encadrer la vente d’immeubles résidentiels par l’entremise de courtiers en adoptant la Loi sur le courtage immobilier.

En la matière, la pratique a toujours été et est que ce qui précède la vente est une offre d’achat, suivie, le cas échéant, d’une contre-offre.

En accord avec la pratique, la Loi tient pour acquis que le travail du courtier est de recevoir des offres, et, en accord avec la Loi, les règlements applicables disposent que les offres d’achat et les contre-offres sont faites dans des formulaires dont les stipulations sont obligatoires.

La Loi et le Règlement du gouvernement ne font aucune mention d’un formulaire qui serait une offre de vente. Comme les formulaires sont obligatoires, qu’ils consistent en particulier en une promesse d’achat et en une contre-proposition à une promesse d’achat, il résulte que les courtiers ne font pas signer et n’ont pas le droit de faire signer par un acheteur potentiel une acceptation d’une soi-disant offre par le vendeur.

En résumé, le plus haut tribunal du Québec conclu que le fait que Samson a retenu les services d’un courtier indique bien que la fiche descriptive n’était pas une offre de vente qui le liait. En conséquence, on ne saurait conclure que Samson a eu tort de tenir le document qui lui a été présenté autrement que comme une promesse d’achat qui pouvait être refusée.

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