Absentéisme excessif – Prise 2

En avril dernier, je vous avais fait part d’une décision rendue en février dernier dans laquelle, malgré plusieurs sanctions et un taux d’absentéisme atteignant près de 40% en 41 mois, l’arbitre avait ordonné la réintégration du salarié sous réserve du respect de certaines conditions (http://www.edilex.com/blogue/peut-on-reellement-congedier-un-employe-pour-absenteisme-excessif). Cette décision rappelait la grande difficulté à justifier une terminaison d’emploi pour cause d’absentéisme excessif mais justifié.

En mai dernier, l’affaire Syndicat des professionnelles et professionnels du Québec et Québec (Ministère du Revenu), D.T.E. 2011T-392 (T.A.) est venue nous fournir un exemple de situation où une telle terminaison d’emploi a été maintenue par un arbitre. Malheureusement, les circonstances de cette affaire ne donnent que peu de réconfort quant à la période durant laquelle il faut « tolérer » l’absentéisme excessif.

Dans cette affaire, la salariée était atteinte d’une maladie affective bipolaire ayant engendré des périodes d’invalidité échelonnées sur ses 7 années à l’emploi du ministère. Ses taux d’absentéisme annuels étaient approximativement les suivants:

– 69% en 2002;
– 87% en 2003;
– 100% en 2004;
– 30% en 2005;
– 100% en 2006;
– 87% en 2007;
– 69% en 2008;
– 180 jours d’absence entre janvier et octobre 2009 (69% de l’année entière).

L’employeur a mis en preuve qu’au fil des années, la salariée avait bénéficié de plusieurs mesures d’accommodement, notamment de nombreux retours progressifs au travail, d’allégement de tâches, d’une affectation dans de nouveaux bureaux ainsi que plusieurs changements de gestionnaires sans parler de formations et de coaching personnalisé. Après une autre longue période d’invalidité complète, l’employeur a pris la décision de mettre fin administrativement à l’emploi de la salariée le jour de son retour au travail à temps complet. Il a alors invoqué l’historique d’absentéisme ainsi qu’un rapport d’expertise concluant à un risque de rechute frôlant les 100% et prévoyant par le fait même que la salariée ne serait pas apte à offrir une prestation normale de travail à moyen et à long terme.

Le syndicat a déposé au nom de la salariée un grief contestant la terminaison d’emploi alléguant que l’employeur ne pouvait congédier la salariée au moment où il l’a fait puisqu’elle avait alors été déclarée apte au travail à temps complet par des expertises médicales. L’arbitre a tout d’abord rejeté cet argument concluant que l’invalidité n’était pas le motif invoqué par l’employeur, ce dernier s’appuyant plutôt sur le dossier d’assiduité déficient de la salariée et sur la conclusion du rapport d’expertise déclarant extrêmement peu probable que celle-ci soit «en mesure de fournir une prestation soutenue de travail de façon régulière et à temps complet» et cela même si elle était assignée à des fonctions plus techniques.

L’arbitre examine ensuite la pertinence de la preuve présentée par le syndicat quant à l’amélioration sensible de l’état de santé de la salariée après son congédiement. Se référant à trois arrêts de la Cour Suprême du Canada, l’arbitre conclut que cette preuve est irrecevable puisque cette amélioration n’était en rien prévisible au moment du congédiement et ne faisait certes pas partie d’une expectative raisonnable à laquelle on aurait dû s’attendre vu les précédents de la salariée quant à son état de santé.

Par la suite, qualifiant le taux d’absentéisme de la salariée d’« exceptionnellement élevé », l’arbitre se dit d’avis que cette situation était intolérable pour l’employeur. Le fait de continuer à accepter sans réserve les absences nombreuses et longues de la salariée aurait constitué selon l’arbitre une contrainte excessive. Citant l’arbitre Foisy, il rappelle les critères devant servir de balises à la décision d’un arbitre en matière de congédiement administratif pour absentéisme excessif :

En matière d’absentéisme, la jurisprudence arbitrale reconnaît à l’employeur le droit de congédier une employée lorsque cette dernière, bien qu’aucunement responsable de ses absences, ne peut fournir une prestation normale de travail. Pour réussir, l’employeur doit satisfaire à deux critères : d’abord établir que le taux d’absentéisme de la plaignante est excessif au moment du congédiement et, deuxièmement, une improbabilité que ce taux s’améliore dans l’avenir.

L’arbitre rejette donc le grief. Cette décision confirme à nouveau le droit de l’employeur de procéder à un congédiement administratif pour absentéisme excessif mais malheureusement, nous montre un employeur qui a composé avec l’absentéisme excessif d’une salariée pendant plus de 7 ans avant de finalement procéder au congédiement. Cela dit, l’arbitre considère l’absentéisme comme étant « exceptionnellement élevé » ce qui permet de croire qu’un employeur n’a pas à attendre aussi longtemps avant de procéder à une terminaison d’emploi, surtout s’il ne dispose pas de moyens aussi importants que ceux du Ministère du Revenu.

Cela dit, cette décision et même l’extrait précité qui résume la position arbitrale laisse entière la question de l’absentéisme excessif justifiée par une multitude de raisons différentes, situation à laquelle plusieurs employeurs font face. S’il est relativement aisé d’obtenir une expertise médicale confirmant le pronostic défavorable à moyen et à long terme dans le cas d’une condition médicale unique, il est par expérience plus difficile d’obtenir une telle expertise lorsque les motifs sont constamment différents (motifs familiaux, accidents et maladies variés, etc.).

Il demeure clair qu’un congédiement administratif pour absentéisme excessif mais justifié ne peut pas être imposé sans que l’absentéisme en question ait été constaté sur une longue période de temps. Il m’apparaît également important d’aviser périodiquement l’employé du caractère inacceptable de son absentéisme et de lui offrir du soutien pour parvenir à corriger le tir un peu comme on le ferait en matière de performance. Des rencontres à ce sujet permettront également d’illustrer les tentatives de l’employeur pour composer avec la situation du salarié.

Cela dit, il demeure difficile de déterminer avec précision la suffisance du dossier documenté par l’employeur. Peut-être qu’un “Absentéisme excessif Prise 3 » nous fournira une meilleur indication!

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