Le dédoublement ne suffit pas
Le 6 février dernier, je discutais avec vous de la façon de traiter des dédoublements en matière de recours collectifs multi-juridictionnels et de la possibilité de demander la suspension des procédures québécoises dans de tels cas. À la lumière de la décision récente rendue par la Cour supérieure dans l’affaire Brunet c. Zimmer of Canada Ltd. (2012 QCCS 1461), je pense qu’il est à propos de revisiter la question.
En effet, même si les tribunaux québécois ont le pouvoir de suspendre des procédures en recours collectif pendantes devant eux en cas de recours multi-juridictionnel, encore faut-il qu’on présente une preuve convaincante à la Cour que les intérêts des membres québécois sont biens protégés et représentés dans le cadre du (ou des) recours hors Québec. Un simple dédoublement ne suffit pas. C’est précisément ce sur quoi la Cour insiste dans l’affaire Brunet.
Les membres proposés du groupe dans cette affaire sont des personnes qui ont reçu des implants à la hanche. Des recours collectifs sont déposés en Colombie-Brittanique et au Québec à ce sujet. L’Intimée demande à la Cour de suspendre les procédures québécoises jusqu’à ce que la Cour en Colombie-Brittanique règle la question de l’autorisation.
Saisi de la question, l’Honorable juge Louis J. Gouin s’intéresse immédiatement à la question de la protection des intérêts des membres québécois dans le recours en Colombie-Brittanique. À cet égard, il note que l’Intimée a bien peu de réponse à lui fournir. Craignant que les membres québécois perdent le bénéfice de certaines présomptions légales bénéfiques, le juge Gouin en vient à la conclusion que la suspension n’est pas dans l’intérêt des membres:
[14] From the outset, a simple reading of the Common Issues raises the following questions with respect to the Quebec Members : when deciding on those issues, will the Supreme Court of British Columbia (the “BC Court”) take into consideration :
a. any presumptions of defect provided under the Civil Code of Québec (“CcQ”)?
b. any presumptions of fault or liability provided under the CcQ?
c. any duty of care provided under the CcQ?
d. any punitive damages in virtue of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms[6], as well as under the Quebec Consumer Protection Act[7]?
[15] Zimmer was not able to answer any of these questions. Rather, it maintained that the Quebec Members are only interested in the amount of money they may obtain under the Jones Matter, no matter the applicable rules or principles of law supporting any compensatory damages and that, in any event, if they are not satisfied with the final determination, they can then exercise any other recourses they may have.
[16] This is not in the best interests of the Quebec Members.
[…]
[19] The Court is of the opinion that the Quebec Members are not adequately protected by the Common Issues to be decided in the Jones Matter and, therefore, the Motion will be dismissed and the Brunet Matter and the Wainberg Matter will not be stayed.
Comme on le constate rapidement, pour obtenir la suspension d’un recours collectif, il faut offrir une preuve convaincante qui dépasse de beaucoup l’existence d’un simple recoupement entre les groupes proposés dans deux recours.