Barrières à l’entrée : l’usage du latin

Je vous entretenais, dans mon blogue précédent, des barrières à l’entrée du Merveilleux monde de l’insolvabilité©. Nous passons maintenant à l’usage abusif des maximes latines, utilisées à outrance pour éviter que de simples civilistes ne tentent de s’insérer dans notre chasse gardée.

Il y a bien sûr les classiques, connues de tous. La requête de bene esse par exemple, que fort des enseignements de M. Rompré en élément latin, syntaxe et méthode au Séminaire St-François, je traduirais par « pour le bien-être ». Comme dans bien-être social ou judiciaire.

Si vous préférez la traduction d’Albert Mayrand dans son Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit québécois Guérin Éd. (c’est dans le titre qu’on utilise des maximes, vous voyez), on lirait « de ce qui peut être bien ».

En pratique, on utilise la requête de bene esse pour décrire une requête qu’on fait mais qu’on pense ne pas avoir besoin de faire, mais que si on avait besoin de la faire selon la Cour, bien on l’aura faite, mais que si la Cour pense qu’on l’a faite pour rien, alors le fait de l’avoir faite n’est pas une admission qu’on avait besoin de la faire. C’est clair et simple comme un texte de Sol ou de Dédé Fortin et ca se résume en de bene esse. L’exemple classique est la requête pour permission d’entreprendre ou continuer des procédures contre un débiteur, qu’on croit avoir le droit d’entreprendre ou de continuer sans permission préalable, mais qu’on ne veut pas se faire dire par après qu’on avait pas le droit et qu’on aurait pas du les prendre, donc qu’on demande la permission de, au cas où, pour bien faire le bien.

Et que dire de la nullité ab initio, « depuis le début » selon le précité Albert. Eh bien, nous ne nous quitterons pas sans mentionner la décision récente Aubé (Syndic de), 2012 QCCS 2360 qui conclut à la nullité ab initio d’une requête en inopposabilité déposée et signée par un syndic, qui n’était donc pas représenté par procureur.  Il se représentait lui-même par son représentant, par ailleurs membre du Barreau.

En effet, suite à un amendement au Code de déontologie des avocats, la profession de syndic et celle d’avocat en sont plus incompatibles. Comme si le législateur savait qu’on ne peut pas empêcher les syndics de jouer les avocats et les avocats de se prendre pour des syndics!

Le juge conclut que la requête en inopposabilité n’est pas de juridiction du registraire (tant que les parties n’y consentent pas ou qu’il est acquis qu’elle n’est pas contestée) et qu’en conséquence, le syndic devait être représenté par avocat. Par ailleurs, le juge ne se prononce pas sur la nullité de la transaction négociée par le syndic avec le débiteur, non représenté, suite à l’émission de cette requête nulle ab initio. Dura lex sed lex. Alea jacta est.

Restez en ligne car, dans le prochain blogue, il sera question de l’inénarrable nunc pro tunc!

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