Ne pas réclamer un solde de prix de vente pour des motifs familiaux peut faire perdre des droits

 

Ne pas réclamer un solde de prix de vente pour des motifs familiaux
peut faire perdre des droits

C’est effectivement ce que nous a rappelé l’Honorable Michel Caron, Juge de la Cour Supérieure, dans une décision qu’il a rendue le 10 août 2012, dans l’affaire Woo c. Woo, rapportée à 2012 QCCS 4195.

Dans cette affaire, le demandeur Napoléon Woo a présenté une requête afin de faire déclarer prescrit le solde du prix de vente garanti par une hypothèque sur un immeuble.

Il s’agissait d’un immeuble que le demandeur Napoléon Woo avait acquis de sa mère le 18 mars 1993.

Cet acte de vente prévoyait un prix de 175 000$, dont 105 000$ était payable au comptant.  Il demeurait donc un solde de prix de vente de 70 000$, garanti par une hypothèque sur cet immeuble en faveur de la mère du demandeur.

Ce solde de prix de vente était payable à raison de 120 versements mensuels, en capital et intérêts, sur une période s’échelonnant du 1er mai 1993 au 1er avril 2003.

La mère du demandeur, créancière hypothécaire, est décédée le 19 juin 1995.

Aucun versement n’a jamais été effectué sur cette balance de prix de vente.

Les défendeurs, trois autres des enfants de la mère du demandeur, sont légataires particuliers de cette créance hypothécaire de 70 000$ et reconnaissent n’avoir jamais réclamé au demandeur le solde de prix de vente en question, et ce, pour des motifs familiaux.

Le demandeur, essentiellement, prétend que ce solde de prix de vente dû initialement à sa mère est prescrit et que, par le fait même, la garantie hypothécaire est éteinte.

Il s’appuie plus particulièrement sur les articles 2925 et 2931 du Code civil du Québec, lesquels se lisent comme suit :

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

2931. Lorsque le contrat est à exécution successive, la prescription des paiements dus a lieu quoique les parties continuent d’exécuter l’une ou l’autre des obligations du contrat.

Le Juge Caron constate que ce solde de prix de vente consenti par Madame Woo, en faveur du demandeur, constitue, en fait, un actif incorporel de Madame Woo, soit une créance, dont la saisine, suite à son décès, a été confiée aux liquidateurs de sa succession.

Ainsi, suite au décès de sa mère, le demandeur est en quelque sorte devenu débiteur envers la succession, laquelle, par le fait même, est devenue sa créancière.

Le Juge rappelle donc clairement que le recours du demandeur, en l’espèce, implique la succession de sa mère, en tant que créancière.

L’absence de preuve d’un quelconque acte interruptif de prescription, jumelé à l’aveu judiciaire des défendeurs-liquidateurs de la succession, selon lequel ils n’ont pas réclamé au demandeur les montants dus pour des raisons humanitaires, ont amené le tribunal à conclure à la prescription du droit d’action de la succession en regard de ce solde de prix de vente dû par le demandeur.

Il est vrai que l’article 2904 du Code civil du Québec stipule que la prescription ne coure pas contre les personnes qui sont dans l’impossibilité en fait d’agir, mais le tribunal constate qu’il y a une absence totale de preuve d’une telle impossibilité d’agir contre le demandeur et, par conséquent, il conclu à la prescription de la dette due par le demandeur à la succession de sa mère, l’hypothèque y afférente devant être radiée.

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