De la liberté d’expression au droit de grève des enseignants

Au cours des dernières semaines, deux (2) sujets ont particulièrement retenu mon attention dans le merveilleux monde du travail et de l’emploi, outre bien sûr le fameux dossier du lock-out de la Ligue nationale de hockey qui fera l’objet de mon prochain blogue.

Il y a tout d’abord eu cette affaire concernant un employé d’un studio de jeux vidéo, congédié en raison de propos « inquiétants » exprimés sur Facebook suite à l’attentat commis au Métropolis (http://www.lesaffaires.com/techno/technologies-et-telecommunications/propos-lies-a-l-attentat-au-pq–un-employe-congedie/548274). En fait, le terme « inquiétants », utilisé par le journaliste Jean-François Codère, est un qualificatif vraiment poli tant les propos sont inacceptables. Je vous invite à en prendre connaissance dans l’article pour vous en convaincre.

Ce n’est pas la première fois qu’un employé est discipliné ou congédié en raison de propos tenus à l’extérieur du cadre du travail. Il est en effet reconnu qu’un employeur peut discipliner un employé pour sa conduite à l’extérieur du travail, si cette conduite affecte le bon fonctionnement de l’entreprise ou de l’organisation. Mais ce qu’il y a de singulier dans cette affaire c’est que pour une rare fois, il ne s’agit pas réellement de propos liés au travail. Il ne s’agit pas, par exemple, de propos dénigrant l’entreprise, des collègues ou des supérieurs. Il ne s’agit pas non plus de propos s’attaquant à la clientèle de l’entreprise ou à ses fournisseurs.

Évidemment, la nature des propos tenus rend difficile toute tentative d’invoquer la liberté d’expression. Même s’il est reconnu que la liberté d’expression permet d’exprimer des idées et opinions contraires à celles de la majorité, idées et opinions qui peuvent même choquer cette même majorité, elle ne va pas jusqu’à permettre de tenir des propos haineux et violents comme ceux qui ont été tenus en l’espèce.

Je comprends parfaitement pourquoi l’employeur a décidé de procéder, sans délai, au congédiement de l’employé. D’un simple point de vue de relations publiques, le maintien en emploi de cet employé aurait été problématique. Mais il demeure que de façon générale, lorsqu’un employeur prends connaissance de propos tenus par l’un de ses employés à l’extérieur du travail, propos qui n’affectent pas le bon fonctionnement de l’entreprise, la prudence est de mise et ce, même si les propos peuvent être dérangeants ou même choquants.

À tout événement, cette situation illustre à nouveau que certaines personnes ne réalisent toujours pas que les propos qu’ils tiennent sur le web, que ce soit sur Facebook ou ailleurs, sont considérés, à toutes fins pratiques, comme étant l’équivalent de déclarations publiques. Contrairement à la croyance de certains, la jurisprudence enseigne, dans de multiples décisions, que les propos tenus sur de tels médias sociaux ne sont généralement pas du domaine de la vie privée, sont la plupart du temps admissibles en preuve et peuvent donner lieu à des mesures disciplinaires. Il semble qu’il faudra encore du temps pour que certaines personnes le réalisent.

Le droit de grève des enseignants ontariens

Dans un autre ordre d’idée, je n’ai pu retenir un certain sourire lorsque j’ai pris connaissance de la décision du gouvernement ontarien de retirer le droit de grève aux enseignants (http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201209/11/01-4573129-lontario-retire-le-droit-de-greve-aux-enseignants.php). Ceux qui ont lu mon blogue de février dernier concernant la grève dans les CPE (https://www.edilex.com/blogue/la-greve-dans-les-cpe-peut-on-se-le-permettre) se rappelleront que je soulevais, à l’époque, la délicate question de savoir si on pouvait toujours se permettre au Québec, dans le contexte actuel, des grèves dans les CPE.

Vous ne serez pas surpris que je soulève aujourd’hui cette même délicate question en regard des enseignants. Cette question est d’autant plus d’actualité suite au conflit étudiant des derniers mois. Plusieurs syndicats ont alors soutenus, de bien des façons (https://www.edilex.com/blogue/la-formule-rand-au-secours-des-etudiants), les revendications des étudiants dans ce conflit. Les étudiants insistaient alors sur l’importance de l’éducation dans notre société. Il est paradoxal qu’aujourd’hui, des syndicats dénoncent vivement cette décision du gouvernement ontarien d’empêcher les enseignants de faire la grève, grève qui, si elle avait lieu, priverait les étudiants de cette éducation pourtant si essentielle.

Dans ce cas-ci, le parti au pouvoir et l’opposition se sont alliés dans cette démarche, alléguant que la loi adoptée est essentielle pour aider la province à effacer son déficit budgétaire de 15 milliards de dollars. Il est évident que je ne suis pas en mesure, à la simple lecture de l’article de La Presse, de déterminer si effectivement, il était nécessaire d’aller aussi loin. Il demeure, toutefois, que devant l’ampleur des défis posés par la situation financière de la province, on peut se demander s’il aurait été opportun de permettre l’exercice d’un droit de grève qui aurait eu pour conséquence de priver des élèves et étudiants de l’éducation à laquelle ils ont droit, le tout dans le but d’amener le gouvernement à reculer dans sa démarche.

Reste à voir si d’autres provinces canadiennes emboiteront le pas dans les années futures.

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