Campagnes d’exclusion des membres: attention!

En cette première chronique de 2013, j’ai pensé attirer votre attention sur une bataille juridique épique qui oppose présentement certains franchisés de la chaîne d’animaleries Pet Valu et leur franchiseur devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Le recours collectif, certifié en janvier 2011, vise une condamnation en dommages de 100 millions $ au motif que le franchiseur aurait fait défaut de partager avec les franchisés les rabais-volume obtenus de fournisseurs de la chaîne.

Non seulement le débat entre le représentant du groupe de franchisés et le franchiseur est-il acrimonieux, mais le recours collectif divise les 178 franchisés eux-mêmes. En effet, tous les membres de l’exécutif de l’association des franchisés ont exprimé leur vive opposition au recours. Le tout est relaté dans la décision du juge Strathy, chargé de la gestion du recours et rendu le 27 juillet 2012: 1250264 Ontario Inc. v. Pet Valu Canada Inc., 2012 ONSC 4317.

C’est dans ce contexte que survient, de juillet à septembre 2012, la période prévue pour permettre aux franchisés de s’exclure du groupe certifié pour le recours collectif. Dans le premier mois et demi prévu pour faire parvenir un avis d’exclusion, 37 avis sont reçus. Puis, soudainement, dans les 10 jours précédant l’expiration du délai, 103 membres s’excluent. Une telle recrudescence dans les exclusions n’était pas le fruit du hasard!

En effet, le pot aux roses est découvert par la suite: non contents de laisser les franchisés décider par eux-mêmes s’ils veulent s’exclure du recours ou non, les membres de l’exécutif de leur association forment une nouvelle association, laquelle vise ni plus ni moins qu’à “torpiller” le recours collectif en encourageant le plus de franchisés possibles à s’exclure. Ceux-ci mettent ainsi en ligne un site web et téléphonent à chacun des franchisés individuellement.

Mal leur en pris. Ayant réalisé ce qui s’était passé, et devant la menace d’une requête pour faire annuler la certification de son action comme recours collectif, le représentant s’adresse au juge Strathy et lui demande réparation. Après analyse de la situation, le juge se rend aux arguments du représentant et ordonne que l’ensemble des avis d’exclusion reçus après le début de la campagne menée par les membres de l’exécutif de l’association des franchisés soient jugés invalides. Le juge ordonne par ailleurs que soit offerte à ces mêmes membres la possibilité de s’exclure une fois le jugement final rendu.

Fait intéressant, la preuve était à l’effet que le franchiseur, Pet Valu, n’avait nullement participé à la campagne en faveur de l’exclusion des membres, même s’il en avait été mis au courant. La décision du juge Strathy, parfois cinglante à l’égard des membres de l’exécutif de l’association des franchisés, se justifiait plutôt par le fait qu’une information incomplète avait été communiquée aux franchisés et que certains d’entre eux auraient pu s’exclure sous l’effet de pression indue exercée sur eux ou encore par crainte de représailles de la part du franchiseur. Le juge en arrive donc à la conclusion que leur décision de s’exclure a été viciée.

Bien qu’aucune situation similaire ne se soit encore présentée au Québec, cette décision offre un précédent intéressant si cela devait arriver. Elle illustre par ailleurs l’importance du processus d’exclusion, en particulier lorsque la liste des membres est connue et que chacun d’eux reçoit un avis personnalisé.

La Cour d’appel de l’Ontario se penchera maintenant sur la question puisque Pet Valu a porté la décision du juge Strathy en appel. L’audition est prévue pour le 26 février prochain. À suivre…

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