Budget Fédéral 2013 – Surprise pour certaines « dispositions » artificielles
Le 21 mars 2013, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a déposé le budget fédéral faisant état de plusieurs modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. L’une d’entre elles porte sur les nouvelles règles de « dispositions factices » (en anglais, Synthetic dispositions).
Selon le Ministère des Finances du Canada, certains arrangements financiers (référé par ce dernier comme étant un « arrangement de disposition factice ») effectués par des contribuables ont pour effet de reporter l’impôt. À titre de rappel, à moins d’une mesure statutaire spécifique réputant une disposition comme ayant eu lieu, règle générale, l’imposition relative à la disposition (par exemple, une vente) d’un bien (à titre de revenu ou de gain en capital) n’intervient qu’au moment de la disposition effective du bien, c’est-à-dire au moment du transfert de propriété. Ainsi, en faisant en sorte que la vente intervienne uniquement à terme (par exemple, dans 10 ans), l’impôt sous-jacent, le cas échéant, s’en retrouve du même coup reporté. En d’autres mots, il y a présence d’une disposition économique du bien, mais non d’une disposition légale (c’est-à-dire, où le titre de propriété est conservé par le vendeur).
Le budget fédéral de 2013 met un terme à ces arrangements financiers et propose donc de considérer ces opérations comme une « disposition » aux fins de l’impôt sur le revenu.
Alors que le terme « disposition » est assez bien connu de la communauté fiscale, le terme « factice », quant à lui, est relativement nouveau. Dans son langage courant, le mot « factice » se rapproche du mot « artificiel ». Cependant, en prévoyant une définition statutaire de l’expression « arrangement de disposition factice », Finances Canada n’a pas pris de chance sur l’interprétation que peuvent en donner les contribuables (ou du moins, a tenté de circonscrire le débat…). Compte tenu du langage utilisé dans les propositions législatives, l’auteur comprend qu’une « disposition factice » peut inclure une disposition synthétique, une monétisation (par exemple dans le cas d’une société publique sous contrôle familial) ou une vente à terme sous réserve du respect des autres conditions dans les propositions législatives.
Afin d’arriver à imposer une disposition factice, le nouvel article 80.6, tel que proposé, prévoit essentiellement qu’une disposition et une réacquisition seront réputées avoir eu lieu, toutes deux à la juste valeur marchande (« JVM »), imposant du même coup tout gain latent sur le bien visé, et ce, même s’il n’y a pas eu de transfert de propriété aux fins légales (en vertu du Code civil du Québec ou de la common law). Une telle disposition factice interviendra essentiellement lorsqu’un contribuable conclut un arrangement qui élimine pratiquement tout risque de perte ou la possibilité de profit à l’égard d’un bien pendant une période de plus d’un an. Les conséquences fiscales découlant de l’application de ces nouvelles règles n’ont aucun impact fiscal pour les autres parties à l’opération de disposition factice (plus souvent qu’autrement, l’acheteur et la banque). Étant donné qu’une disposition réputée a lieu à la JVM et d’un seuil édicté de 90%, les contribuables impliqués dans ces arrangements financiers devront évaluer cette JVM et potentiellement débattre de cette valeur devant l’Agence du revenu du Canada.
Chose intéressante, cette disposition réputée l’est uniquement aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada); le Québec n’a pas encore annoncé s’il allait d’harmoniser cette mesure dans la Loi sur les impôts (Québec). Cette disposition réputée ne devrait pas s’appliquer aux fins des droits de mutation (Loi concernant les droits sur les mutations immobilières) ni aux fins des lois de taxes de vente, généralement applicables s’il s’agit d’une « fourniture taxable » (partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (Canada) et la Loi sur la taxe de vente du Québec (Québec).