Une municipalité peut-elle être tenue de restituer des prestations lorsqu’elle n’a pas respecté les règles portant sur l’adjudication des contrats?

Cette question a été tranchée dernièrement par la Cour d’appel dans l’arrêt Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc.¹ (ci-après « Octane ») qui a confirmé la décision de la Cour supérieure faisant droit à la réclamation d’Octane².

Rappelons que la Ville refusait de payer à Octane le coût des services acquittés auprès de Productions Gilles Blaisdans le cadre du mandat octroyé pour le lancement du plan de transport. La Ville prétendait à une absence de contrat en raison du non-respect des dispositions de la Loi sur les cités et villes3 portant sur l’adjudication des contrats.

En appel, la Ville soutenait que le principe de la restitution des prestations en matière contractuelle ne pouvait pas s’appliquer puisqu’aucun contrat n’était intervenu entre elle et Octane.

Pour la Cour d’appel, l’objet même de la restitution des prestations vise le cas où un contrat est anéanti pour défaut d’obtenir une approbation ou de respecter un processus impératif d’adjudication prévu par la loi. Si une municipalité peut invoquer ce principe contre un cocontractant, il va de soi que le cocontractant peut l’invoquer lui aussi.

La Cour d’appel fait table rase de la jurisprudence antérieure au Code civil du Québec4 à l’effet que la restitution des prestations ne soit pas possible en droit municipal, l’article 1699 C.c.Q. étant précisément venu changer la donne.

En matière de restitution des prestations, le non-respect des formalités et l’absence d’approbation ne signifient pas qu’aucun contrat n’est intervenu, mais plutôt qu’il est nul. Chacune des parties est tenue de restituer à l’autre la prestation reçue dans le cadre du contrat réputé n’avoir jamais existé5.

Par ailleurs, même s’il n’y avait jamais eu de contrat comme le prétend la Ville, la restitution des prestations devrait tout de même être prononcée pour deux motifs. D’une part, il y aurait eu réception de l’indu par la Ville qui a bénéficié des services de Productions Gilles Blais par l’entremise d’Octane, celle-ci croyant à une cause future qui ne s’est jamais accomplie, ouvrant ainsi la porte à une réception de l’indu6. D’autre part, celui qui a payé sans qu’il existe une obligation est sujet à répétition7. Octane ayant accepté de bonne foi de fournir des services croyant erronément que la Ville avait contracté avec elle à ce sujet, elle aurait droit à la répétition.

La Cour d’appel conclut donc que la source de la restitution peut se trouver dans l’obligation énoncée à l’article 1422 C.c.Q. lorsque le contrat est frappé de nullité, dans la réception de l’indu (art. 1491 C.c.Q.) ou dans la répétition de ce qui a été payé sans qu’il existe une obligation (art. 1554 C.c.Q.).

Selon cet arrêt, il est clair que la restitution des prestations est un fondement du droit civil québécois depuis l’entrée en vigueur du C.c.Q. La jurisprudence récente indique qu’une municipalité ne peut pas s’enrichir aux dépens d’un cocontractant de bonne foi. Cela n’empêcherait toutefois pas le tribunal d’exercer sa discrétion en cas de mauvaise foi ou en présence d’un stratagème ou d’une malversation pour refuser la restitution des prestations, comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 1699 C.c.Q.

Deux demandes d’autorisation d’appel ont été déposées à la Cour Suprême les 13 et 19 avril 2018 (nos 38066 et 38073).

1Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc., 2018 QCCA 223.
2Octane Stratégie inc. c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 5456.
3Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19 [LCV].
4Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991 [C.c.Q.].
5C.c.Q., art. 1422.
6C.c.Q., art. 1491. Voir à ce sujet l’Obiter dictum des juges Schrager et M. Mainville (par. 49) auquel la juge Hogue ne souscrit pas (par. 68).
7C.c.Q., art. 1554.

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