Une décision de la Cour suprême en ligne avec les fournisseurs de services Internet

Le 9 février 2012, dans le cadre du Renvoi relatif à la Loi sur la radiodiffusion (le “Renvoi”), la Cour suprême a conclu que les fournisseurs de services Internet (les “FSI”, ou “ISPs” en anglais) n’exploitent pas d’« entreprises de radiodiffusion » assujetties à la Loi sur la Radiodiffusion lorsque, conformément à leur rôle de FSI, ils fournissent l’accès par Internet à la « radiodiffusion » demandée par les utilisateurs finaux. 

En d’autres termes, un fournisseur de services Internet, dans la mesure où son rôle se limite à offrir l’accès à Internet (plutôt que d’offrir du contenu), n’a pas à se soumettre aux diverses règles de la Loi sur la radiodiffusion comme, par exemple, la promotion du contenu canadien.

La Cour suprême s’est basée, notamment, sur une décision datant de 1891 (oui, 1891), Electric Despatch Co. of Toronto c. Bell Telephone Co. of Canada, en remarquant que “[c]omme les FSI dans la présente affaire, Bell Telephone ignorait la nature de la communication transmise grâce à ses fils et n’exerçait aucune influence sur elle” et en relevant le passage suivant de cette décision :

[traduction]  Seule la personne qui dit le message, lequel est transmis par les fils, peut être considérée comme la personne qui « transmet » le message.  On ne peut dire des propriétaires des fils électriques, qui ignorent tout de la nature du message devant être transmis, qu’ils transmettent . . . un message dont ils ignorent la teneur.  [Nous soulignons.]

Ceci ne veut pas dire qu’un fournisseur, dans un tel cas, est dispensé de toute réglementation.  D’autres régimes peuvent demeurer applicables, comme notamment la Loi sur les télécommunications, mais le fait de ne pas avoir à se soucier de la Loi sur la radiodiffusion, dans la mesure où la décision de la Cour suprême est applicable, évite un fardeau important aux fournisseurs de services Internet.

Comme dans tout renvoi, le libellé de la question a joué un rôle crucial dans la décision.  Comme l’ont souligné la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême, la question se limite spécifiquement aux fournisseurs qui ne font qu’offrir accès à Internet, donc en prenant comme hypothèse de départ que ce fournisseur offre un service neutre au niveau du contenu; la Cour ne se prononce pas dans tout autre cas.

Il sera intéressant de voir comment cette décision sera interprétée lorsqu’un cas réel se présentera, notamment en ce qui a trait à la gestion de trafic par les FSI et à la possibilité qu’ils ont de bloquer certains sites.  Dans le cadre du Renvoi, ces réalités ont été évoquées mais n’ont pas eu un rôle prépondérant, probablement à cause de la manière dont la question a été posée à la Cour par le CRTC.

Pour plus de détails, je vous réfère à la décision initiale de la Cour d’appel fédérale de 2010 (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (Re)) et à la décision de la Cour suprême dans le cadre du Renvoi qui est venue la confirmer le 9 février 2012.  L’audience devant la Cour suprême le 16 janvier 2012 est aussi disponible par voie de webdiffusion en différé (en traduction française ou encore en anglais).  Si vous êtes curieuse ou curieux, vous pouvez aller vers la minute 205 en français (ou 207 en anglais) pour entendre le point de vue d’un des intervenants sur la réalité technologique de la transmission des paquets de données par rapport au cadre des régimes législatifs applicables.

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