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La résiliation unilatérale d’un contrat de construction

De façon générale, les parties à un contrat sont tenues de le respecter et elles peuvent mettre fin à celui-ci d’un commun accord. Cette règle générale comporte une exception pour les contrats d’entreprise ou de services. En effet, le client est en droit de résilier le contrat de façon unilatérale, sans cause, même si la réalisation de l’ouvrage ou la prestation de services a déjà débuté, cette règle étant prévue à l’article 2125 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q.»).

Cette règle d’exception s’applique aux divers contrats de construction. D’abord, le donneur d’ouvrage peut résilier de plein droit un contrat conclu avec un entrepreneur général, même si ce droit n’a pas été prévu aux documents contractuels. L’entrepreneur général pourrait également utiliser ce droit de résiliation à l’égard des contrats conclus avec ses sous-traitants et fournisseurs retenus pour l’exécution d’un projet de construction. La personne pouvant se prévaloir du droit de résiliation unilatérale peut résilier le contrat sans cause ni justification.

Fait à noter, selon l’article 2126 C.c.Q., cette règle ne peut pas s’appliquer de façon inverse. En effet, un entrepreneur général ne peut mettre fin unilatéralement au contrat avec le donneur d’ouvrage sans motif, par pure volonté. Il doit, au contraire, invoquer des motifs sérieux. De plus, même en présence de tels motifs, il ne pourra cesser les travaux à contretemps sous peine de devoir dédommager le donneur d’ouvrage pour le préjudice subi. La même règle s’applique à l’égard des sous-traitants.

 Les clauses contractuelles modifiant le droit à la résiliation unilatérale

L’article 2125 C.c.Q. n’est pas une règle d’ordre public et il est possible d’obtenir une renonciation de la part du bénéficiaire du droit. En effet, il est possible d’inclure au contrat une clause de renonciation à l’application de l’article 2125 C.c.Q., mais cette renonciation doit être expresse, claire et précise afin d’être déclarée valide. Une telle clause de renonciation à la résiliation unilatérale pourra être favorable à l’entrepreneur général lorsque incluse à son contrat avec le donneur d’ouvrage. Cependant, il serait préférable pour l’entrepreneur général de ne pas inclure tel type de clause de renonciation dans ses contrats avec ses sous-traitants.

Il est aussi possible que le contrat de construction inclue une clause prévoyant qu’un avis écrit doit être transmis par le donneur d’ouvrage à l’entrepreneur général avant de procéder à la résiliation unilatérale du contrat. Ce type de clause pourrait être considéré comme une renonciation au droit à la résiliation unilatérale selon l’article 2125 C.c.Q. Nous vous rappelons que la Cour d’appel en a déjà jugé ainsi en 2008 dans l’arrêt Nicholson Manufacturing Company et Nicholson Manufacturing Ltd. c. Marietonex.

 Compensation monétaire en cas de résiliation

a)    En cas de résiliation unilatérale sans cause en vertu de l’article 2125 C.c.Q.

L’article 2129 C.c.Q. prévoit que dans l’éventualité où le donneur d’ouvrage venait à résilier son contrat avec l’entrepreneur général ou dans l’éventualité ou l’entrepreneur général désirerait résilier un contrat avec son sous-traitant, la personne qui se trouve à cesser l’exécution de ses travaux devra être payée pour la valeur des travaux exécutés jusqu’à la résiliation. Dans le cas d’un contrat forfaitaire, l’entrepreneur ou le prestataire de services devra être payé en proportion du prix initialement convenu par rapport à l’avancement des travaux. Pour les contrats à prix coûtant majoré, l’entrepreneur devra être remboursé pour les frais et dépenses réellement engagés jusqu’à la résiliation du contrat.

De plus, devront lui être remboursés les dépenses et les frais encourus pour les matériaux et l’acquisition d’équipement malgré que ceux-ci n’ont pas encore été utilisés au projet, si ces matériaux et équipements ont été fabriqués de façon spécifique pour ce projet et sont difficilement réutilisables.

Autre fait important, les tribunaux ont constamment jugé que l’entrepreneur qui cesse ses travaux ne peut pas être dédommagé pour la perte de profits futurs. Seuls les profits sur les travaux réellement exécutés seront compensés.

b)    En cas de résiliation unilatérale pour cause selon l’article 1590 C.c.Q.

Le donneur d’ouvrage et l’entrepreneur général (pour les sous-contrats) peuvent également, pour cause, résilier leur contrat avec leur cocontractant. Dans ce cas, la partie qui décide de mettre fin au contrat pour des motifs sérieux est justifiée d’opérer compensation entre la somme qui est due à l’entrepreneur résilié et le préjudice que lui-même subit découlant des fautes de l’entrepreneur résilié.

Par exemple, dans un tel cas, l’entrepreneur général serait justifié de ne pas payer le solde contractuel dû à son sous-traitant pour les travaux qu’il a exécutés si lui-même a subi des dommages pour une valeur dépassant le solde contractuel dû.

Conditions nécessaires afin que la résiliation unilatérale soit déclarée faite avec cause en vertu de l’article 1590 C.c.Q.

Pour avoir droit à la compensation, le donneur d’ouvrage ou, le cas échéant, l’entrepreneur général, doit faire parvenir un avis écrit préalable à son cocontractant afin de l’aviser de son défaut et lui accorder un délai raisonnable pour lui permettre de corriger la situation. Dans l’éventualité où le cocontractant fait défaut de répondre à cet avis, le donneur d’ouvrage ou l’entrepreneur général sera alors en mesure de résilier pour cause le contrat et ensuite réclamer au cocontractant tous les dommages qui en découlent.

Dans le cas d’une résiliation unilatérale selon l’article 2125 C.c.Q, aucun avis préalable et/ou mise en demeure n’est nécessaire, mais aucun dommage ne peut être réclamé.

Les motifs qui pourraient être jugés valables afin de résilier pour cause un contrat de construction doivent être analysés cas par cas. Ont déjà été jugés valables par les tribunaux à titre de cause sérieuse de résiliation : le fait que l’entrepreneur a abandonné le chantier, était régulièrement absent, ne respectait pas l’échéancier, était responsable de plusieurs retards inexcusables ou a causé tout autre dommage important qui nuisait à la conduite raisonnable du chantier. 

Conclusion

L’entrepreneur général devra être payé pour la valeur des travaux exécutés si le donneur d’ouvrage résilie sans cause ni justification son contrat.

L’entrepreneur général a également le droit de résilier de façon unilatérale les contrats conclus avec ses sous-traitants. Si aucune cause valable n’est donnée au sous-traitant concerné, le solde contractuel qui lui est dû devra être payé. Par contre, si la résiliation a été faite pour cause et que le sous-traitant a été mis en demeure préalablement de corriger ses défauts, alors l’entrepreneur général pourra déduire de son contrat tout préjudice subi. Donc, il est plus avantageux de procéder à la résiliation unilatérale pour cause lorsque possible.

Malgré que le donneur d’ouvrage et, le cas échéant, l’entrepreneur général, puissent utiliser la résiliation unilatérale sans cause pour mettre un terme à un contrat de construction, ceci ne leur permet pas de faire une utilisation abusive de ce droit. Toute personne qui exerce ses droits civils de façon abusive pourrait être sanctionnée.

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