Bail commercial: de l’importance des préavis écrits

Dans les baux commerciaux, comme dans la plupart des contrats commerciaux d’ailleurs, il est fréquent d’y retrouver la mention de préavis écrits à remettre à son cocontractant afin de se prévaloir d’un droit.  Est-ce si important que le préavis soit remis par écrit?  Est-ce que la connaissance pour le cocontractant de l’intention de l’autre partie de se prévaloir d’un droit est suffisant?

L’Honorable Pierre Nollet de la Cour supérieure dans l’affaire Palicor inc. c. Equifax Canada Inc. rapportée dans 2012 QCCS 2280 le 24 mai 2012 a répondu à la première question par l’affirmative et à la seconde, par la négative.

Dans cette affaire, le locateur Palicor réclama 12 mois de loyers à son ancien locataire Equifax, puisque dans le bail qui les liait, le locataire se devait d’expédier un préavis écrit de 12 mois s’il entendait quitter les lieux à la fin du bail.  À défaut de ce préavis, le locateur pouvait se prévaloir de son droit de renouveler le bail pour une période additionnelle de 12 mois.

Afin de rendre son jugement, le juge Nollet se posa 4 questions.  Cependant, pour les fins de ce billet nous n’aborderons que les 2 premières que voici :

i)  Un préavis écrit de l’intention du locataire de quitter les lieux à la fin du bail a-t-il été donné? Si oui, est-ce dans les délais prévus au bail?

Il est établi que l’article 17.01 du bail est clair et que l’avis écrit se devait d’être remis au locateur au plus tard le 30 septembre 2006.  De la correspondance fut échangée avant cette date.  Dans un premier temps, le locataire fait part au locateur qu’un représentant est nommé aux fins d’acquisitions, dispositions, renouvellements ou expansions, confirmant ainsi que le locataire examine plusieurs options.  Une autre correspondance fait part d’une entente de courtage.  Des pourparlers ont lieu.

Ce n’est que le 21 décembre 2006 que le locataire avise le locateur de son intention de quitter les lieux à la fin du bail, soit presque 3 mois après la date prévue.

Le juge Nollet analysa la jurisprudence pertinente en ces termes :

[45]        Suivant l’arrêt Subaru le contrat constitue la loi des parties. Dans cette affaire, bien que le cocontractant connaissait l’existence et le contenu de l’avis de résiliation avant l’expiration du délai, l’avis reçu avec deux jours de retard fut jugé sans effet. 

[46]        De même, dans l’affaire Jacob le locataire qui avait annoncé à son propriétaire dans les délais qu’il entendait lui remettre la possession de son local sur simple préavis de 15 jours, mais qui omit d’envoyer par la suite un préavis de son intention de ne pas renouveler son bail dans le délai prévu et le fit quatre mois plus tard fut considéré comme n’ayant pas envoyé l’avis dans les délais.

[47]        Il faut distinguer la présente situation de celle citée par Équifax. Dans l’affaire De Chantal, le bail stipulait qu’il se renouvelait d’année en année à moins qu’une partie transmette un « avis à ce contraire ». Le renouvellement était automatique. C’est la nature de l’avis de non-renouvellement qu’il fallait établir. Or un avis avait été envoyé afin de renouveler le bail, mais à des conditions différentes. Clairement l’avis faisait échec au renouvellement automatique.  Nous ne sommes pas dans cette situation ici. Le contenu de l’avis à envoyer est clair. Il doit préciser que le locataire entend quitter les lieux à la fin du bail. Cet avis n’a été donné qu’en décembre 2006.

 Le juge Nollet soutint que l’avis du locataire avait été remis en retard et que le renouvellement du bail pouvait être encore disponible et ce, à la discrétion du locateur. ii)  Les négociations entreprises par les parties pour tenter de renouveler ou prolonger le bail ont-elles eu pour effet de prolonger le délai pour donner le préavis de départ?Le locataire tenta de mettre en preuve qu’un amendement au bail avait été remis par le locateur au locataire et que cet amendement aurait eu pour effet de modifier une autre clause du bail, modifiant ainsi, par surcroît, le délai prévu à l’article 17.01.  Le juge ne retenu aucunement cet argument et précisa :  

[55]        Comme nous pouvons le voir, les clauses 17.01 et 27.01 sont indépendantes l’une de l’autre.  Même en acceptant la théorie de la défense suggérant que les parties, par leurs négociations et l’amendement no 2 ont modifié le bail, ce que le Tribunal ne reconnaît pas, ce n’est pas l’article 17.01 qui aurait été modifié, mais bien l’article 27.01. Or, une modification du délai prévu à l’article 27.01 n’a pas pour effet de reporter le délai prévu à l’article 17.01. Par ailleurs, nulle part dans l’amendement no 2 n’est-il question de modifier le délai prévu à l’article 17.01 et on ne peut l’inférer.

De plus, le juge Nollet ajouta :  

[58]        De l’avis du Tribunal, cet amendement  no 2, qui n’a pas été accepté par Équifax, ne peut être interprété comme modifiant le bail P-1. Pour que l’amendement ait cet effet, il eut fallu qu’Équifax l’accepte.

À cet égard, le tribunal privilégia donc le principe de la stabilité des contrats et aussi, le fait que les parties aient convenu, à même le bail, de faire toute modification du bail par écrit.

Le tribunal déclara donc que l’avis de renouvellement du locateur avait été donné dans le délai requis et qu’il était donc, par conséquent, valable.

En conclusion

Ce qu’il faut retenir en l’espèce est que lorsqu’il est spécifié dans un contrat qu’un préavis doit être remis par écrit au plus tard dans un délai prescrit et ce, afin de se prévaloir d’un droit, la volonté des parties doit donc prévaloir et, par conséquent, le préavis doit donc être remis par écrit dans ce délai, à moins que le cocontractant y renonce, évidemment et de préférence, par écrit.

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