Traitement fiscal du règlement à l’amiable
Comme vous le savez, nombre de litiges font l’objet de règlements à l’amiable, ce mode de résolution permettant notamment aux parties de régler leur litige en épargnant temps et argent, sans avoir à tenir un procès. La fiscalité relative aux dommages-intérêts qui peuvent être convenus dans le cadre d’un règlement à l’amiable doit être tenue en compte par les parties et leurs représentants. En effet, le traitement varie selon la nature du préjudice, d’où l’importance d’une rédaction habile des documents de transaction.
Règle générale
Pour déterminer la nature fiscale (revenu ou capital) des dommages reçus par un contribuable dans le cadre d’un règlement à l’amiable, le test consiste à déterminer non seulement ce que le montant a pour but de remplacer, mais également ce qu’il a pour effet de remplacer.
Ultimement, la question de savoir si un montant reçu à titre de dommages dans le cadre d’un règlement à l’amiable est un montant imposable ou non imposable est une question de faits. Selon la jurisprudence, ce n’est qu’après une analyse détaillée d’une situation particulière et des faits qui y sont rattachés que la question peut être résolue. Cette analyse inclut évidemment l’étude des documents constatant la transaction en vertu du règlement à l’amiable. Dans ce sens, nous ne saurions insister assez sur l’importance de la rédaction de ces documents.
De façon générale, le montant reçu sera imposable s’il a pour objet de remplacer un revenu. Si le montant des dommages est plutôt de nature capitale, il faudra déterminer si le montant constitue le produit de disposition d’une immobilisation ou d’une immobilisation admissible et s’il donne lieu à un gain en capital. Les dommages moraux, quant à eux, sont généralement non imposables, tout comme les dommages pour atteinte aux droits de la personne. Chaque cas demeure cependant un cas d’espèce.
Je vous résume ci-après les règles relatives aux indemnités versées pour pertes d’emploi ou congédiement et sur celles versées pour préjudice corporel. Évidemment, plusieurs autres sortes de montants peuvent être reçus par un contribuable à titre de dommages dans le cadre d’un règlement à l’amiable. Par exemple, un montant reçu en remplacement de l’exécution des clauses d’un contrat d’entreprise ou un montant reçu pour compenser la perte d’un bien ou d’un revenu d’entreprise pourrait être octroyé.
Perte d’emploi / congédiement
Une indemnité versée à un particulier par son ancien employeur à titre de dommages-intérêts peut être un revenu d’emploi, une allocation de retraite, des dommages-intérêts non imposables ou une combinaison de ces éléments. Si, dans les faits, le montant de l’indemnité est octroyé à titre de compensation pour la perte de revenu d’emploi, il est clair que le dédommagement sera considéré comme du revenu d’emploi (donc, imposable) aux yeux de la loi et du fisc.
Par contre, une indemnité de cessation d’emploi ou une indemnité de congédiement injustifié entre dans la définition d’une « allocation de retraite » et est imposable. À cet effet, en plus des contributions normales au REER que le particulier peut effectuer, la loi permet une déduction au contribuable qui transfère une allocation de retraite dans un régime de pension agréé (RPA) ou un régime enregistré d’épargne-retraite (REER). Le montant admissible au transfert est limité aux montants suivants :
– 2 000 $ pour chaque année ou partie d’année avant 1996 où le retraité a travaillé pour l’employeur (ou pour une personne qui lui est liée); plus
– 1500 $ pour chaque année ou partie d’année à ce même emploi avant 1989 où aucune partie des cotisations de l’employeur au RPA ou au régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) n’est acquise à l’employé au moment du versement de l’allocation de retraite.
Ainsi, l’employeur qui consent des dommages de cette nature dans le cadre d’un règlement hors cour n’aura pas l’obligation de procéder à une retenue d’impôt sur la partie transférée au REER de l’employé. Pour les montants non transférés, une retenue d’impôt à la source doit être faite.
Finalement, les dommages-intérêts octroyés pour souffrance morale sont imposables également comme allocation de retraite s’ils découlent de la perte d’emploi. Par contre, ils seront exonérés d’impôts s’ils découlent de gestes distincts de l’employeur et ne sont pas liés à la perte d’emploi.
Préjudice corporel
Les dommages-intérêts reçus pour blessure ou décès dans le cadre d’un règlement à l’amiable sont exclues du calcul du revenu même s’ils ont été établis selon les pertes de revenus à l’égard de qui ils ont été versés (Bulletin d’interprétation IT-365R2). Sont par ailleurs non imposables les revenus d’intérêts (courus jusqu’à la date du règlement) tirés des dommages accordés pour blessures ou décès, les paiements de dommages-intérêts reçus d’un assureur dans le cadre d’un « règlement structuré » (par. 5 du Bulletin), et les montants reçus en compensation des frais de médicament, d’hospitalisation, etc.
Évidemment, les intérêts subséquents sont taxables (sauf pour le revenu tiré d’un bien reçu par un contribuable âgé de moins de 21 ans comme dommages-intérêts pour une blessure).
Déductibilité des dommages-intérêts pour le payeur
Les règles générales de la déductibilité des dépenses s’appliquent au paiement de dommages dans le cadre d’un règlement à l’amiable, la loi étant silencieuse à ce sujet. La dépense doit ainsi ne pas être de nature capitale, être raisonnable, engagée dans dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise, en vue de tirer du revenu (d’entreprise ou de bien), etc.
Conclusion
Le traitement des dommages-intérêts octroyés dans le cadre d’un règlement à l’amiable varie selon la nature du préjudice. La compréhension de ces règles permet aux parties impliquées de structurer le règlement de façon à éviter les mauvaises surprises et à en arriver aux résultats escomptés au niveau financier.