Quand Loblaw se prend pour Norton Rose

Comme moi, vous avez sans doute été surpris de voir lundi matin l’offre publique d’achat pour Shopper’s Drug Mart déposée par Loblaw. Rien n’est finalisé en ce moment, mais si le mariage est consommé, nous aurons maintenant un titan du détail au Canada pour rivaliser avec Wal-Mart et Target, qui deviennent de plus en plus gourmands dans un marché en restructuration.

En effet, avec la croissance fulgurante que connaît le commerce en ligne, la concurrence des «Mega-Stores» américains de plus en plus présents en nos terres et la disparition progressive des magasins locaux, le marché du commerce au détail connaît une période de questionnement sans précédent au Canada. Heureusement pour Loblaw et ses concurrents que les consommateurs n’aiment pas faire leur épicerie en ligne… (À ce sujet, je vous invite d’ailleurs à aller lire l’histoire fascinante de l’épicerie en ligne Webvan, un des plus gros échecs de l’époque dot-com)

L’industrie du commerce au détail est donc en période de restructuration importante pour s’adapter aux conditions du marché. Ma question pour vous est la suivante: si l’industrie juridique traverse aussi une passe plus difficile, comment la restructurer?

Il y a trois scénarios que je veux explorer:

1. Les fusions. Nous avons assisté il y a maintenant plus d’une décennie à une vague de fusions nationales de cabinets. Or, à cette époque, les considérations étaient fort différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui et on sent que plusieurs cabinets auraient intérêt à regarder dans cette direction, surtout considérant que nous avons déjà deux bureaux internationaux au pays. En effet, les chiffres d’affaires de ces groupes mondiaux sont impressionnants et il faut se questionner si ces géants peuvent amener suffisamment de synergies et de capitaux pour commencer une vague de consolidation dans l’industrie. Norton Rose a parti le bal avec Ogilvy Renault et Macleod Dixon au Canada, ainsi que Fullbright aux États-Unis. L’américain Denton, l’européen Salans et le canadien FMC ont emboîté le pas peu de temps après, mais on ne peut pas vraiment parler d’une vague déferlant sur le Canada. D’autre part, est-il possible d’envisager d’autres fusions locales entre compétiteurs actuels?

2. La décentralisation des services juridiques. La technologie agit comme égalisateur à plusieurs égards. De nos jours, il n’est plus nécessaire d’avoir beaucoup d’employés pour être très performant. De nouveaux modèles d’affaires prennent d’ailleurs du galon, comme celui adopté par Delegatus, qui soit dit en passant se nourrit principalement d’avocats de grands bureaux qui cherchent autre chose. Plusieurs cabinets en Ontario ont d’ailleurs des modèles similaires depuis assez longtemps.

Grâce à leur structure plus agile, les petits cabinets sont en mesure de bien desservir leurs clients, tout en leur offrant des taux fort intéressants. Cette réalité pourrait, contrairement à la tendance dans le marché du détail, mener à une certaine décentralisation des services juridiques…

Qui plus est, les avancées en communication et la croissance du trafic routier génère des opportunités que saisissent certains cabinets émergeant en périphérie des grands centres. Prenons l’exemple de Therrien Couture, un cabinet d’avocats à Saint-Hyacinthe, Brossard et Sherbrooke. Ce cabinet compte maintenant une quarantaine de professionnels, leur bureau à Brossard n’hésite pas à aller chercher des associés performants dans les bureaux du centre-ville et il a l’avantage d’être situé à proximité des gens qui habitent sur la rive sud de Montréal et des nombreuses entreprises qui y ont pignon sur rue. Pas mal comme modus operandi.

3. Une diminution des coûts. Un autre scénario envisageable impliquerait que les cabinets commencent à couper leurs coûts d’une manière significative. On ne parle pas ici de limiter les comptes de dépenses ou de couper les heures des adjointes de soir, mais plutôt de réaligner les opérations de moyens et grands cabinets de façon à leur permettre d’être en meilleure santé financière à court et moyen terme. C’est loin d’être l’option la plus intéressante à long terme puisqu’on ne fait que reporter le problème à plus tard, selon moi, mais ça pourrait permettre d’allouer des budgets vers d’autres projets prometteurs, comme utiliser une partie des locaux pour intégrer une communauté d’entrepreneurs à même leurs bureaux, par exemple.

Bref, il est plus que possible qu’un de ces trois scénarios (ou même les trois) se matérialise assez rapidement dans l’industrie juridique.

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