Les méandres de la non-conformité technique!

Dans une décision récente, 4077334 Canada Inc. (Solution VOYSIS IP) c. Sigmasanté, 2013 QCCS 2859, la Cour supérieure du Québec se prononce à nouveau sur une question de conformité technique d’une soumission et des conséquences du non-respect du principe de l’égalité des soumissionnaires.

Dans cette affaire, il était question d’un appel d’offres regroupé piloté par une corporation d’approvisionnement du réseau de la santé dénommée Sigma Santé pour l’achat d’un système de téléphonie IP. La société Telus, le plus bas soumissionnaire, omet de prévoir dans sa soumission les convertisseurs exigés par le devis. Étant d’avis qu’il pouvait y avoir une certaine ambiguïté dans le devis, Sigma Santé permet à Telus de rectifier le tout en proposant l’inclusion des convertisseurs gratuitement plutôt que de déclarer la soumission non conforme. Sigma Santé adjuge donc le contrat à Telus. Le second plus bas soumissionnaire, Solutions Voysis IP, conteste cette décision et demande l’annulation du contrat de Telus par jugement déclaratoire.

Après avoir reconnu le droit d’un soumissionnaire de s’adresser au tribunal pour clarifier la portée d’un devis, l’honorable juge Danielle Turcotte de la Cour supérieure en vient à la conclusion que le devis exigeait les convertisseurs omis par Telus dans sa soumission. La Cour mentionne que non seulement les trois autres soumissionnaires ont compris cette exigence, mais aussi que Telus avait le devoir de s’informer, avant de déposer sa soumission, de la portée de cette exigence prétendument ambiguë et qu’elle ne l’a pas fait.

Le tribunal ajoute aussi que le fait de permettre à Telus de corriger son erreur vient rompre l’égalité des soumissionnaires. Pour préserver cette égalité, il aurait fallu évaluer les soumissions en excluant le prix des convertisseurs, ce que Sigma Santé n’a pas fait. De plus, l’égalité des soumissionnaires commande que les soumissions soient évaluées sur la base de ce qu’elles contiennent au jour de l’ouverture des soumissions et non sur la base de précisions fournies ultérieurement.

En ce qui a trait aux conséquences de ce manquement au principe de l’égalité des soumissionnaires, la Cour est d’avis que le contrat accordé à Telus dans un tel contexte est frappé de nullité relative et non de nullité absolue au motif qu’il ne s’agit pas d’un cas d’intérêt public. Étant donné que la nullité relative ne peut être invoquée par un tiers en vertu du Code civil, le tribunal refuse d’annuler le contrat accordé à Telus. Voysis devra donc poursuivre en dommages les parties qu’elle estime fautives si elle veut obtenir réparation du préjudice qu’elle croit avoir subi dans cette affaire. Cette dernière conclusion nous rappelle, dans un contexte factuel différent, la décision rendue par la même Cour dans Savoir-faire Linux c. Régie des rentes du Québec 2010 QCCS 2375.

Enfin, il convient de noter que le tribunal ne se prononce pas sur l’article 264 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui prévoit un régime de nullité (absolue ou relative?) à l’encontre de tout contrat qui n’est pas conforme aux règles de formation des contrats publics prévues à l’article 2 de la Loi sur les contrats des organismes publics portant sur le traitement intègre et équitable des concurrents. Il aurait été intéressant que le tribunal se penche sur la question du type de nullité auquel fait référence le second alinéa de cet article.

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