Contrat de construction: le client doit bien choisir le mode de résiliation qu’il invoque!

Dans une décision récente de la Cour supérieure du Québec, un organisme public vient d’apprendre trois leçons à ses dépens quant à la façon qu’un client peut mettre fin à un contrat de construction qu’il a adjugé à un entrepreneur à la suite d’un appel d’offres public.

Première leçon: il y a une importante distinction entre la résiliation unilatérale et la résiliation sanction d’un contrat de construction.

Seconde leçon: il est prohibé de faire appel aux deux modes de résiliation en cascade ou de façon alternative.

Troisième leçon: un client doit bien choisir le principal mode de résiliation qu’il entend invoquer pour provoquer une telle rupture.

Le Code civil du Québec prévoit deux modes de résiliation de ce genre de contrat par un client. Ce dernier peut d’une part invoquer le droit d’un client de résilier unilatéralement un contrat d’entreprise, tel que permis par les articles 2125 à 2129 du Code civil du Québec. D’autre part, il peut invoquer la résiliation sanction prévue aux articles 1590 et 1604 à 1606 du Code civil du Québec en se basant sur un manquement quelconque de son co-contractant pour justifier une telle démarche. Le choix de l’un ou l’autre de ces modes de résiliation entraîne toutefois des avantages et inconvénients qui diffèrent pour chacun des contractants.

Dans le cadre de la résiliation unilatérale, le client n’a pas à justifier sa décision. L’entrepreneur doit accepter la rupture et limiter sa réclamation à ce qui est permis par l’article 2129 C.c.Q., qui ne lui permet pas de réclamer de dommages pour sa perte de profits.  Il en va différemment de la résiliation sanction où le client doit faire la démonstration de l’inexécution des obligations de l’entrepreneur au soutien de la rupture. Si le client ne réussit pas à justifier sa décision, il s’expose alors à une réclamation de la part de l’entrepreneur, qui peut dès lors revendiquer une indemnité pour perte de profits.

Dans cette affaire l’organisme public impliqué, à savoir l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR), a d’abord invoqué la résiliation sanction prévue au contrat pour annuler celui-ci et, de façon subsidiaire, la résiliation unilatérale pour se blinder davantage. Le tribunal, sous la plume de l’honorable juge Yves Poirier, a rejeté ce cumul en indiquant que HMR, en optant d’abord pour la résiliation sanction, ne pouvait ensuite invoquer la résiliation unilatérale.

En perdant son droit d’invoquer la résiliation unilatérale, HMR perdait aussi l’application de 2129 C.c.Q. qui limitait la réclamation de l’entrepreneur. Autrement dit, en interdisant HMR de se replier sur une résiliation unilatérale, le tribunal reconnaissait le droit de l’entrepreneur de réclamer sa perte de profit si la résiliation sanction échouait au mérite.

Après une longue analyse des faits et du droit applicable, le juge en vient à la conclusion que les motifs de résiliation sanction invoqués par HMR n’étaient pas suffisamment graves pour justifier l’annulation du contrat. Il condamne donc HMR à payer à l’entrepreneur une somme importante qu’il estime correspondre à sa perte de profits de ce dernier dans cette affaire. Dures leçons!

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