Est-ce une bonne idée pour un franchiseur d’être actionnaire de ses franchisés?

Plusieurs futurs franchiseurs, ainsi que quelques franchiseurs déjà en exploitation, se posent parfois la question de savoir si ce serait une bonne idée pour eux d’être actionnaire (majoritaire ou paritaire) des entreprises franchisées de leur réseau.

Ils y voient, avec raison, quelques avantages intéressants dont (a) un meilleur contrôle sur la gestion et les finances de leurs franchisés (surtout si le franchiseur en est l’actionnaire majoritaire), (b) la possibilité de recruter des franchisés qui n’auraient pas les moyens d’obtenir seuls le financement nécessaire au démarrage et à l’exploitation de leurs entreprises, (c) une participation dans les profits et dans l’augmentation de la valeur de leurs entreprises franchisées au-delà de la seule redevance, et, parfois aussi, (c) un outil de motivation pour leurs franchisés par la possibilité de leur offrir une augmentation de leur participation dans l’actionnariat pour récompenser des performances supérieures.

Ces franchiseurs croient aussi souvent qu’en étant eux-mêmes actionnaires de leurs entreprises franchisées, ceci rassurera leurs franchisés quant à leur intérêt à vraiment œuvrer au succès des entreprises franchisées de leur réseau (puisqu’ils profitent de leur rentabilité).

Quelques réseaux de franchises (dont La Cage aux Sports pour certains de ses restaurants, et Première Moisson) utilisent d’ailleurs cette formule d’actionnariat/franchisage avec un certain succès.

Sur le plan légal, ainsi que sur le plan des relations entre un franchiseur et ses franchisés, il s’agit là d’une formule qui présente cependant quelques défis importants.

Par exemple, en vertu de la loi et de la jurisprudence, tout administrateur d’une société est tenu d’agir dans l’intérêt de celle-ci. Cette obligation ne connaît pas d’exception pour les personnes désignées par un franchiseur pour agir à titre d’administrateurs d’une société franchisée de son réseau.

Dans le cas où les intérêts du franchiseur s’opposent à ceux du franchisé (tel, par exemple, en cas de différend avec un franchisé), les personnes nommées par le franchiseur pour agir comme administrateurs du franchisé peuvent donc se retrouver dans une position fort délicate : si elles sont des dirigeants, des administrateurs ou des employés du franchiseur, elles sont tenues, en vertu de leur contrat de travail et de la loi, d’agir dans l’intérêt du franchiseur et, en vertu de leur statut d’administrateur du franchisé, d’agir dans l’intérêt du franchisé.

Comment pourront-elles réussir à s’acquitter à la fois de ces deux obligations divergentes si, en raison de leurs fonctions auprès du franchiseur, ces personnes ont connaissance de renseignements confidentiels (tel, par exemple, un projet d’acquisition ou de développement) qui pourraient aller à l’encontre des intérêts d’un franchisé dont elles sont des administrateurs?

Sur un autre plan, les actionnaires minoritaires d’une société bénéficient, en vertu des lois (tant provinciale que fédérale) régissant les sociétés par actions, de plusieurs recours fort importants contre un coactionnaire qui ne respecte pas bien leurs droits.

Dans plusieurs cas, ces recours peuvent, pour un franchisé (et son procureur), présenter plusieurs avantages intéressants par rapport aux recours possède un franchisé dont le franchiseur n’est pas aussi actionnaire de son entreprise.

Au chapitre des contrats, le double rôle de franchiseur et d’actionnaire dans l’entreprise franchisée requiert à la fois un contrat de franchise bien adapté aux particularités de cette relation et, aussi, une excellente convention entre actionnaires bien adaptée à cette réalité et aux dispositions de la convention de franchise. Le mariage entre une telle convention entre actionnaires et la convention de franchise représente à lui seul un sérieux défi de rédaction, ce qui se traduit, pour le franchiseur, par des coûts plus importants de préparation de sa documentation légale de franchise.

Enfin, le fait pour un franchiseur d’être actionnaire des entreprises franchisées de son réseau ouvre plus facilement la porte aux prêteurs et bailleurs à demander un cautionnement de sa part pour les dettes et obligations de ses entreprises franchisées.

Tout compte fait, le fait pour un franchiseur d’être actionnaire des entreprises franchisées de son réseau est un modèle qui, comme plusieurs autres, présente à la fois des avantages, des contraintes et des défis.

Pour plusieurs, il vaut la peine d’être considéré, mais il ne constitue certes pas une panacée à tous les maux qui convient à tous.

Il existe d’ailleurs d’autres modèles permettant d’obtenir, par d’autres moyens, tous (ou presque tous) les avantages recherchés par ce modèle.

Ceci m’amène à l’un des plus importants constats de mon expérience de plus de 40 ans en franchisage : les franchiseurs qui réussissent à moyen et long termes sont ceux qui ont pris soin d’élaborer et de mettre en place un modèle de franchisage vraiment conçu « sur mesure » pour leur secteur d’activités, leurs caractéristiques propres, leur façon de fonctionner, leurs valeurs et leurs objectifs.

En ce sens, aucun modèle de franchise n’est vraiment universel ni approprié pour tous les franchiseurs. Ce qui apporte du succès à l’un peut être un boulet qui en fera couler un autre (parfois même, selon mon expérience, à l’intérieur d’un même secteur d’activités).

Est-ce une bonne idée pour un franchiseur d’être actionnaire des entreprises franchisées de son réseau? Parfois oui, souvent non. Ça dépend… avant tout du franchiseur!

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Je demeure en tout temps à votre service si je puis vous être de quelque assistance que ce soit.

Jean

 

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