Tant consommé qu’appréhendé

La validité des clauses contractuelles de remboursement des honoraires en droit québécois ne fait plus de doute depuis la décision rendue par la Cour d’appel dans Groupe Van Houtte inc. (A.L. Van Houtte ltée.) c. Développements industriels et commerciaux de Montréal inc. (2010 QCCA 1970) (j’avais traité de cette affaire sur mon blogue en novembre 2010). Reste maintenant à la jurisprudence d’interpréter ces clauses et considérer les circonstances dans lesquelles elles s’appliqueront. Dans Boulevard Shopping Centre (Montreal), l.p. c. Senza Corporation (2014 QCCS 86), l’Honorable juge Gérard Dugré devait déterminer si une clause de remboursement d’honoraires extrajudiciaires s’appliquait tant au défaut contractuel consommé qu’au défaut contractuel appréhendé.

Dans cette affaire, le juge Dugré est saisi de la réclamation d’honoraires et débours extrajudiciaires de la Demanderesse en vertu de la clause d’un bail la liant à la Défenderesse, suite à une requête en injonction provisoire, interlocutoire et permanente que la Demanderesse a dû intenter afin d’assurer le respect par la Défenderesse des termes du bail.

Une des questions qui se pose dans l’affaire est celle de savoir si la clause s’applique en raison du fait que la Défenderesse n’a jamais été en défaut au terme du bail. En effet, informée de l’intention de la Défenderesse de quitter les lieux loués, la Demanderesse a pris des procédures en injonction pour la forcer à rester sur place. Ces procédures ont été accueillies (d’abord suite à un débat contradictoire et ensuite – au stade de l’injonction permanente – de consentement).

Pouvait-on donc parler d’un “défaut” de la part de la Défenderesse alors qu’elle n’a jamais manqué à ses obligations?

Le juge Dugré répond à cette question par l’affirmative au motif que le défaut appréhendé de la Défenderesse, lorsque cette appréhension est jugée justifiée par la Cour comme ce fut le cas en l’instance, tombe sous l’égide de la clause contractuelle en question:

[20] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la défenderesse a réellement tenté de mettre fin au bail qui la liait à la demanderesse au sens de la clause 42.1.5. D’ailleurs, le jugement rendu le 31 août 2012 par la juge Mandeville – donnant raison à la demanderesse et accordant une injonction interlocutoire provisoire – confirme qu’il y avait un défaut appréhendé justifiant la demanderesse d’intenter des procédures en injonction comme elle l’a fait.

[21] De l’avis du Tribunal, le terme « default » utilisé à la clause 42.7 du bail inclut tant le défaut consommé que le défaut appréhendé.

[22] En conséquence, la demanderesse était en droit d’intenter des procédures en injonction vu la menace imminente de défaut, afin d’empêcher le défaut – ou un cas de défaut – de la défenderesse.

[23] Le terme « attempts » – ou en français « tente » – utilisé à la clause 42.1.5 le confirme sans équivoque.

[24] En conséquence, le Tribunal conclut que la clause 42.7 du bail s’applique en l’espèce donnant ainsi droit à la demanderesse de recouvrer ses frais extrajudiciaires (honoraires et débours) sur la base avocat-client.

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