Café Vienne condamné pour ne pas avoir renouvelé un bail principal!
Par un jugement rendu le 30 janvier dernier (que vous pouvez lire en cliquant ici), Le Groupe Café Vienne 1998 inc., et sa compagnie sœur détentrice des baux, Café Vienne Canada inc., ont été solidairement condamnées à payer à un ex-franchisé Café Vienne des dommages suite à un imbroglio ayant entouré le renouvellement du bail commercial pour le local dans lequel était exploité cet établissement franchisé.
Dans cette affaire, le bail pour l’emplacement d’un Café Vienne franchisé était détenu par la société Café Vienne Canada inc., qui le sous-louait au franchisé, alors que le franchiseur était Le Groupe Café Vienne 1998 inc., une autre société du même groupe.
Le bail principal comportait une option de renouvellement stipulant, en quelques mots, la procédure suivante pour le cas où la locataire souhaitait le renouveler, (a) un avis de renouvellement donné par la locataire, (b) une offre du bailleur pour le montant du loyer pendant la période de renouvellement, et (c) une réponse par la locataire à cette offre de loyer, suivie, dans le cas où la locataire n’acceptait pas l’offre de loyer formulée par le bailleur, d’une période de 30 jours pour conclure une entente quant au loyer au terme de laquelle, à défaut d’entente, l’option de renouvellement devenait nulle.
Des délais précis étaient aussi stipulés au bail pour chacune de ces étapes.
Suite à l’exercice de cette option de renouvellement, le bailleur principal, Monit Investment inc., a formulé une offre de loyer qui ne convenait pas à la locataire, Café Vienne Canada inc., ni à son franchisé sous-locataire.
S’en suivirent donc certains échanges entre Café Vienne Canada inc. et Monit Investment inc. au terme desquels le bailleur s’est montré inflexible quant au montant du loyer demandé.
Finalement, le 6 août 2009, un représentant du franchiseur a offert au franchisé une réduction de la redevance et un étalement du délai de paiement du droit de renouvellement de la franchise en échange du consentement par le franchisé à payer le nouveau loyer réclamé par le bailleur principal, ce que le franchisé a accepté sur le champ.
Cependant, à cette date, le délai stipulé au bail pour conclure une entente sur le loyer pour la période de renouvellement était déjà dépassé. Le bailleur a alors refusé l’acceptation de son nouveau loyer et mit effectivement fin au bail à la fin du terme alors en cours, soit le 31 octobre 2009, obligeant le franchisé à mettre fin à ses opérations.
Le franchisé a par la suite poursuivi solidairement son franchiseur et son sous-bailleur pour les dommages résultant de la perte de sa franchise.
Malgré le fait que, jusqu’au moment où, le 6 août 2009 (alors que le délai pour s’entendre avec le bailleur principal sur le montant du loyer était déjà dépassé), autant le franchisé que son franchiseur n’acceptaient pas le nouveau loyer proposé par le bailleur principal et que le franchisé ne l’a finalement accepté qu’après que le franchiseur lui ait proposé de réduire la redevance et d’échelonner le paiement du droit de renouvellement, la Cour supérieure a quand même condamné solidairement le franchiseur et le sous-bailleur à payer à l’ex-franchisé des dommages au montant de 16 800$, représentant la valeur estimée par le tribunal de l’entreprise franchisée, et à son actionnaire principal un montant additionnel de 1 500$ pour troubles et inconvénients (ce jugement comporte d’ailleurs quelques commentaires intéressants du tribunal sur la façon d’évaluer et de prouver les dommages subis par un franchisé en cas de perte de sa franchise).
Les raisons pour lesquelles le tribunal a retenu la responsabilité du franchiseur et du sous-bailleur sont essentiellement les suivantes :
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- Le franchiseur et le sous-bailleur n’auraient pas rempli « avec prudence et diligence » leur obligation de tenter de renouveler le bail alors qu’ils savaient que le franchisé souhaitait un tel renouvellement;
- Le franchiseur et le sous-bailleur n’auraient pas, en temps opportun, donné au franchisé toute l’information utile permettant d’atteindre l’objectif recherché (soit le renouvellement du bail);
- Le franchiseur et le sous-bailleur n’auraient pas, en temps opportun, transmis au franchisé les communications importantes reçues du bailleur et ne l’auraient pas adéquatement tenu informé du déroulement des négociations;
- Le franchiseur et le sous-bailleur n’auraient pas, en temps opportun, informé le franchisé « du fait que, si les négociations sont infructueuses dans le délai précisé, le Franchisé risque, vu la position intransigeante de Monit, de perdre son sous-bail ».
Le tribunal n’a pas retenu le moyen de défense soulevé par le franchiseur et le sous-bailleur à l’effet que l’acceptation du nouveau loyer par le franchisé n’avait été faite qu’après l’expiration des délais prévus au bail et, encore plus, après que le franchiseur lui ait alors offert des concessions financières auxquelles il n’était aucunement tenu. Selon le tribunal, de tels aménagements financiers représentaient une hypothèse qui, dès que le franchiseur les a proposés au franchisé, s’est matérialisée, faisant en sorte qu’elle n’était dès lors plus hypothétique, mais réelle. Je dois avouer que je trouve quelque peu troublant ce volet de ce jugement.
Enfin, le fait que ce réseau de franchises utilise une société distincte du franchiseur pour louer, et sous-louer, les emplacements de ses franchises ne lui a été d’aucune utilité dans cette affaire puisque, le tribunal ayant jugé que le franchiseur était le débiteur principal de l’obligation de faire les meilleurs efforts pour renouveler le bail et que le sous-bailleur était, du moins vis-à-vis le franchisé sous-locataire, l’alter ego du franchiseur, ces deux sociétés ont été tenues solidairement responsables des dommages subis par le franchisé.
Il s’agit là d’un jugement qui illustre bien le degré de prudence, de diligence et de transparence que les tribunaux imposent de plus en plus fréquemment aux franchiseurs.
Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.
Jean