Nécessaire et non utile

L’an dernier, la Cour suprême rendait une décision de grande importance à propos des clauses de non-concurrence et non-sollicitation contenues dans des contrats d’affaire dans Guay c. Payette (2013 CSC 45). Dans celle-ci, la Cour indiquait qu’il fallait adopter une approche plus généreuse quant à la validité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation dans les contrats commerciaux. Reste que même dans un tel contrat, pour conclure à la validité d’une clause de non-concurrence, celle-ci doit être nécessaire (et non seulement utile) pour protéger les intérêts légitimes du créancier comme l’indique l’affaire 7076576 Canada inc. c. Gellé (2014 QCCS 677).

Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures en dommages contre le Défendeur, alléguant que celui-ci a violé la clause de non-concurrence contenue dans le contrat commercial par lequel le Défendeur a vendu son restaurant.

Le Défendeur conteste ces procédures au motif que la clause est invalide parce que trop large. Il cible en particulier l’application de la clause à “toute entreprise de même nature ou s’en rapprochant” comme étant démesurée pour protéger les intérêts légitimes de la Demanderesse.

Saisie de l’affaire, l’Honorable juge Chantal Masse rejette la réclamation. Elle est d’avis que le libellé de la clause de non-concurrence est simplement exagéré eu égard des intérêts légitimes de la Demanderesse:

[17] Même dans un contexte commercial, la portée des activités visées par cette clause dépasse ce qui était nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’acheteur. Cette conclusion prend notamment appui sur la portée très large des termes utilisés pour décrire la nature de l’entreprise au contrat, mais aussi sur d’autres éléments contextuels.

[18] La protection des intérêts légitimes de l’acheteur du restaurant Le poisson rouge, un restaurant haut de gamme spécialisé dans les poissons, ne nécessitait pas que Gellé doive s’abstenir de tout intérêt direct ou indirect comme propriétaire, employé, associé, actionnaire ou bailleur de fonds dans tout commerce de restauration ou s’en rapprochant. Par exemple, comment croire qu’empêcher Gellé d’avoir une implication dans un commerce de restauration rapide protégeait les intérêts légitimes de l’acheteur du restaurant Le Poisson rouge?

[19] Des exemples de clauses décrivant de façon plus précise les activités de restauration prohibées se retrouvent dans les affaires9100-6288 Québec inc. c. 9140-8484 Québec inc. (« commerce de restauration de même nature que celui présentement vendu (type bistro) ») et 3092-4484 Québec inc.c. Turmel ( « ne plus faire semblable commerce, ni tout autre commerce dont les activités ou une partie importante d’entre elles soient de nature à créer une concurrence directe pour le commerce présentement vendu »). Notons que dans ce dernier cas, la clause a été considérée comme ayant une portée douteuse mais, après interprétation par le juge de première instance, a donné lieu à une ordonnance d’injonction, exprimée de façon plus spécifique, laquelle a été maintenue par la Cour d’appel.

[20] Le prix de vente consenti, soit 130 000 $ (dont 45 000 $ pour la clientèle, l’achalandage et le nom de l’entreprise) et le fait que si Gellé, même s’il était certainement expérimenté dans le domaine de la restauration, n’a pas bénéficié d’un éclairage quant à la portée de la clause de non-concurrence au moment de la vente, celle-ci n’ayant fait l’objet d’aucune discussion entre les parties, sont également des éléments qui vont dans le sens du caractère déraisonnable d’une clause d’une telle portée quant aux activités visées.

Voilà un bon rappel quant au fardeau qui pèse sur la partie qui invoque l’application d’une clause de non-concurrence ou de non-sollicitation dans un contrat commercial.

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