Documents contractuels concomitants : attention à la cohérence!
Étant donné que certaines ententes commerciales et certains appels d’offres sont des assemblages complexes de documents contractuels ou techniques, leur l’interprétation peut poser problème. La récente décision de la Cour d’appel dans Billards Dooly’s inc. c Entreprises Prébour ltée[1] en est l’illustration.
Dans cette affaire, les parties signent cinq ententes commerciales (contrats de franchise, offres d’achat et entente de partenariat) dans le but de reconvertir un bar en un salon de billard franchisé Dooly’s et d’en ouvrir un second. L’un des contrats de franchise contient une clause y mettant fin si le franchisé n’a pas débuté ses opérations à l’intérieur d’un délai de 180 jours, délai pouvant être prolongé de 60 jours.
Plus tard, alors que ce contrat a, en théorie, pris fin, les parties signent un protocole d’entente visant à remplacer l’ensemble des contrats initiaux.
L’une des questions en litige est de déterminer si le contrat de franchise a cessé d’avoir effet.
Contrairement au juge de première instance, la Cour d’appel conclut que ce contrat ne s’est pas éteint par le simple écoulement du temps. Étant donné les dispositions contenues dans les autres contrats, le contrat en cause a continué de trouver effet. Aux yeux de la Cour d’appel, les cinq contrats initiaux sont:
« […] concomitants et interdépendants, destinés à réaliser une opération globale et précisant le cercle contractuel de cette dernière. La cause de tous et chacun d’eux est commune; la raison de leur signature est de donner effet à l’ensemble des engagements convenus par les parties. Ces contrats constituent dès lors un ensemble contractuel indivisible. [Nos soulignés] » [2]
Plus loin, la Cour explique que :
« [68] Les cinq contrats sont donc indivisibles en ce qu’ils traduisent, lus ensemble, l’économie générale de l’opération convenue par les parties en septembre 2003 et la cause de leurs engagements respectifs. »[3]
Cette décision confirme la possibilité, voire même l’importance, d’interpréter les contrats d’un ensemble contractuel les uns par rapport aux autres afin de trouver la commune intention des parties. Cet outil d’interprétation s’ajoute à ceux explicitement énumérés aux articles 1425 et 1426 du Code civil du Québec[4], à savoir:
- les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu;
- la nature du contrat;
- les usages; et
- l’interprétation que les parties ont donnée au contrat durant leur relation contractuelle.
Alors que la jurisprudence était divisée sur la question[5], il n’y a maintenant plus de doute quant à la possibilité de rechercher la commune intention des parties en interprétant les contrats d’un ensemble contractuel les uns par rapport aux autres.
En conclusion, les rédacteurs des divers documents contractuels ou techniques contenus dans des ententes commerciales ou des appels d’offres doivent s’assurer de la cohérence des documents entre eux et de leur contenu afin d’éviter toute ambigüité rendant nécessaire l’intervention des tribunaux.
[5] Pierre-Gabriel JOBIN, « Comment résoudre le casse-tête d’un groupe de contrats », (2012) 46 RJT 9 au para 9.