Ice Bucket Challenge pour ma retraite

L’Honorable Robert Mongeon, de la Cour supérieure, un fréquent collaborateur involontaire de ce blogue en raison de ses décisions intéressantes en Chambre commerciale, vient de jeter une douche froide sur mes plans de retraite, que dis-je, une douche glacée, un « ice bucket challenge » au complet.

Comment? Non, ce n’est pas parce que j’aurais droit à des prestations de retraite d’un régime à prestation déterminée de Timminco ou de WhiteBirch ou que je prévoyais consacrer mes années de retraite à la rédaction d’un texte de doctrine érudit tentant de faire du « distinguishing » pour réconcilier ses deux décisions sur le rang de la réclamation pour le déficit actuariel, une tâche considérable il faut l’admettre.

Non, c’est encore plus compliqué que cela. En effet, à la retraite et libéré d’une part, de mes obligations de payer des sommes somptueuses au Barreau et d’autre part, de mes obligations déontologiques envers la profession et le public, j’avais l’intention de me livrer au lucre et à la commercialité sans vergogne. Mon plan était d’acquérir des syndics, à vil prix, les demies indivises de la résidence principale de faillis particuliers, actif difficilement réalisable pour ledit syndic. J’allais ensuite agir avec quérulence en instituant de multiples procédures contre mon indivisaire, en réclamation de frais d’occupation et de dépenses d’entretien et ultimement en partage. « Nul n’est tenu de demeurer dans l’indivision” nous enseigne l’article 1030 du Code civil. Le tout culminerait par une vente en justice à laquelle, avec le capital fourni par des financiers sans scrupules, j’allais acquérir la totalité de la résidence pour une bouchée de pain, évincer les insolvables occupants et revendre le tout avec un fort profit.

Mais voilà  que l’Honorable Mongeon, avec sa plume, attire mon attention sur un article du Code civil qui avait échappé à ma savante planification de retraite. L’article 1022 se lit :

« Tout indivisaire peut, dans les 60 jours où il apprend qu’une personne étrangère à l’indivision a acquis, à titre onéreux, la part d’un indivisaire, l’écarter de l’indivision en lui remboursant le prix de la cession et les frais qu’elle a acquittés. Ce droit doit être exercé dans l’année qui suit l’acquisition de la part.

Le droit de retrait ne peut être exercé lorsque les indivisaires ont, dans la convention d’indivision, stipulé des droits de préemption et que, portant sur un immeuble, ces droits ont été publiés. »

Oups. L’indivisaire, souvent le ou la conjoint(e) du failli(e), a 60 jours pour me rembourser le susdit vil prix, sans intérêts ni le moindre profit.

C’est ce qui ressort de la décision rendue dans le dossier St-Clair (Faillite de) EYB 2014-240875, en autorisant un syndic à accepter l’offre plus élevée provenant d’un tiers et non celle provenant de la conjointe, sous réserve du droit de retrait.

Le juge Mongeon confirme le droit du syndic de vendre une demie indivise d’un immeuble, tel que discuté dans un blogue précédent, « Ne jamais vendre la demie indivise de la peau de l’ours » dans lequel mes plans de retraite étaient demeurés cachés, mais ils peuvent maintenant être révélés, victimes du Ice Bucket Challenge implacable de la loi.

 

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