Précisions sur la notion de changement de contrôle
Malgré l’emploi fréquent des termes «changement de contrôle» dans certains types de conventions, cette notion demeure une source de confusion. Dans un jugement récent, la Cour supérieure a déclaré que la notion de changement de contrôle dans le contrat d’emploi du demandeur nécessite une acquisition permettant de nommer une majorité des membres du conseil d’administration.
Cette affaire oppose le demandeur M. Dumont, vice-président développement durable («Dumont»), à son employeur, Rona inc. («Rona»). Dans sa réclamation, Dumont allègue avoir fait l’objet d’un congédiement résultant d’un changement de contrôle. Ce faisant, il prétend que l’article 7.2 de son contrat d’emploi lui donne droit aux émoluments du Régime d’option d’achat d’actions et du «Share Unit Plan» de Rona. Cet article prévoit que pour y avoir droit, le congédiement doit survenir, au plus tard, dans les 8 mois suivant le changement de contrôle.
Or, la Cour est d’avis que bien que le congédiement de Dumont s’inscrive dans un contexte où Lowes, une société américaine, souhaite acheter les actions de Rona, aucun changement de contrôle n’a eu lieu. Plus précisément, la question à trancher se résume à déterminer si un changement de contrôle est survenu dans les 8 mois précédant le congédiement.
De son côté, Dumont est d’avis que la Cour doit analyser la question en procédant à une analyse de facto, tandis que Rona estime que l’analyse de jure est appropriée. La Cour adopte l’approche de Rona, en précisant toutefois que sa conclusion serait la même dans les deux cas.
Après avoir examiné les prétentions des parties, elle est d’avis que la définition de changement de contrôle en vertu du contrat d’emploi de Dumont est claire. De plus, en s’appuyant sur la législation applicable en matière de valeurs mobilières, la Cour définit la notion de changement de contrôle comme suit:
[96] Ainsi, à chaque occasion qu’une personne acquière un nombre suffisant de titres, lui permettant d’élire la majorité du conseil d’administration, il survient un changement de contrôle qui doit être rapporté.
Elle distingue également la notion de changement matériel de celle de changement de contrôle :
[120] On constate que la notion de contrôle dépend du pourcentage des droits de vote que détient un actionnaire et la notion de changement matériel dépend d’un changement dans les activités ou un autre élément important au sein de la société.
[121] Un tel changement n’équivaut pas nécessairement à un changement de contrôle et avec égards, le Tribunal estime que M. Dumont confond les deux notions.
Les raisons pour lesquelles la Cour a conclu à l’absence d’un changement de contrôle en l’espèce sont nombreuses. Or, voici celles ayant attiré davantage notre attention.
Dans les faits, la Caisse de dépôt et de placements (la «Caisse») n’a jamais détenu plus de 20% des droits de vote. Ainsi, le refus du plan de privatisation de Rona par la Caisse n’était pas une tentative de cette dernière d’exercer le contrôle de Rona. En effet, elle ne disposait pas d’un nombre d’actions lui permettant d’élire la majorité des administrateurs de Rona.
De plus, la Cour est d’avis qu’on ne peut conclure à un changement de contrôle du fait que Rona ait sollicité le vice-président des finances en attendant qu’un nouveau président soit nommé.
Enfin, la Cour précise que comme le développement durable «n’a jamais occupé une place capitale dans la stratégie commerciale de Rona», l’abandon de cette stratégie, incluant le congédiement de Dumont, ne constitue pas un changement de contrôle.
Ainsi, puisque personne n’a acquis suffisamment d’actions de Rona pour pouvoir élire la majorité des membres du conseil d’administration, aucun changement de contrôle n’est survenu. La Cour n’a donc pas pu donner effet à l’article 7.2 du contrat d’emploi de Dumont.