Récente décision de la Cour supérieure en matière d’irrecevabilité!
La Cour supérieure a récemment eu à statuer sur l’irrecevabilité d’une défense en vertu des articles 54.1 et 165(4) C.p.c. Plus précisément, la Cour devait à la fois se demander si la défense de Groupe de sécurité Garda, s.e.n.c. («Garda») était irrecevable puisque non fondée en droit et déterminer si elle était abusive.
Dans cette affaire, la demanderesse, 183426 Canada inc. («183426»), agit à titre de fournisseur de services de remplacement pour les caisses de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec (la «Fédération»). Les contrats de fourniture de services sont octroyés à la suite d’appels de propositions par la Fédération. Voyant sa proposition rejetée au terme de ce processus, 183426 vend la totalité de ses actifs à Garda. Simultanément, une convention d’entiercement est conclue avec un cabinet d’avocats à titre de dépositaire du solde du prix de vente, soit une somme de 200 000$.
Or, dans une autre instance, un recours en dommages-intérêts est intenté contre Garda au motif que cette dernière a agi de mauvaise foi lors du processus d’appel de propositions afin d’acheter à rabais les actifs de 183426. De son côté, 183426 dépose une requête en jugement déclaratoire afin de faire déclarer que le solde du prix de vente lui est dû et d’ordonner au dépositaire de lui verser ladite somme.
Quant à Garda, elle soutient que le dépositaire a raison de retenir la somme qu’il détient, notamment puisque 183426 a agi de mauvaise foi en lui cachant son intention de la poursuivre en dommages. Dans sa défense, Garda demande le rejet de la requête en jugement déclaratoire. Pour ces raisons, 183426 dépose une requête en irrecevabilité à l’égard de la défense de Garda au motif que celle-ci est mal fondée en droit et abusive.
Au terme de son analyse, la Cour conclut non seulement que la défense de Garda est mal fondée en droit, mais la qualifie également d’abusive. Les deux moyens de défense invoqués par Garda sont les suivants:
1) la violation par 183426 de son obligation d’agir de bonne foi en omettant d’informer Garda de son intention d’intenter un recours contre elle; et
2) l’introduction d’un recours en dommages par 183426 constitue un manquement à ses obligations contractuelles découlant de la Convention d’achat d’actifs.
La Cour énonce que ces deux moyens de défense ne donnent pas ouverture aux conclusions recherchées, soit le rejet du recours de 183426.
En ce qui concerne le premier moyen de défense, la Cour est d’avis que les conditions relatives à l’application de l’exception d’inexécution ne sont pas réunies. En effet, cette défense s’applique uniquement aux obligations «interdépendantes et corrélatives». Or en l’espèce, les obligations ne sont pas corrélatives «puisque l’inexécution invoquée par Garda, soit la violation par 183426 de son obligation implicite d’agir de bonne foi dans le cadre des ses relations contractuelles avec elle, ne constitue pas l’inexécution d’une obligation réciproque et corrélative de 183426 à l’égard de la Somme entiercée». De plus, comme ce moyen de défense n’est qu’une solution temporaire, il «ne donne pas ouverture à la conclusion recherchée par Garda, soit le rejet de la réclamation de 183426».
Quant au deuxième moyen de défense, la Cour énonce que «les fautes reprochées par Garda ne lui confèrent aucun droit de rétention de la Somme entiercée». Pour ces raisons, elle conclut que la défense de Garda est irrecevable puisque mal fondée en droit.
Dans un deuxième temps, la Cour s’interroge sur le caractère abusif de la défense de Garda. Elle précise d’abord que «ce n’est pas parce qu’une procédure se révèle sans fondement juridique qu’elle doit nécessairement être qualifiée d’abusive». Bien que Garda n’ait pas adopté un comportement abusif, ses moyens de défense s’avèrent «purement dilatoires puisqu’ils ne donnent pas ouverture aux conclusions recherchées». Pour ces raisons, la Cour énonce que la défense est à la foi mal fondée en droit et abusive, accueillant ainsi la requête en irrecevabilité de 183426.