Garantie de soumission manquante : le donneur d’ordre doit lui aussi être diligent

L’article 7 du Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics prévoit que l’absence d’un document requis constitue un manquement à une condition de conformité devant être sanctionné par le rejet automatique de la soumission. Ainsi, il est fréquent de rencontrer des documents d’appel d’offres prévoyant cette condition.

La Cour du Québec a récemment eu l’occasion de se prononcer sur la question de l’absence d’un document requis lors du dépôt de la soumission. Il s’agit d’une décision opposant C.F.G. Construction inc. («C.F.G.») à la Société Québécoise des Infrastructures (SIQ).

Dans cette affaire, la C.F.G. allègue que le contrat de démolition faisant l’objet de l’appel d’offres aurait dû lui être accordé puisqu’elle est la plus basse soumissionnaire, et ce, malgré le fait que la garantie de soumission requise était manquante à l’ouverture des soumissions. Les documents d’appel d’offres prévoient que l’absence de la garantie de soumission entraîne le rejet automatique de la soumission. Il est stipulé que la garantie requise peut être sous forme de traite et doit correspondre à 10% du montant de la soumission. Conformément à ces exigences, C.F.G. obtient une traite bancaire de 24 500$ de la Banque de Montréal et dépose sa soumission environ 10 minutes avant l’échéance.

Le 26 février 2013, soit 4 jours après la réception et l’ouverture des soumissions, les responsables de l’analyse des soumissions ont constaté que la garantie de soumission était manquante. Pour cette raison, la SIQ rejette la soumission de C.F.G. pour non-conformité.

La Cour devait notamment se demander si la traite bancaire était présente dans l’enveloppe de C.F.G.

Les témoins de C.F.G. soutiennent que la traite bancaire a été remise à la SIQ dans l’enveloppe de soumission. Quant à la SIQ, elle est d’avis que C.F.G. a été négligente dans sa préparation en tentant d’obtenir une traite bancaire en vitesse, avant la date limite prévue pour le dépôt des soumissions.

D’entrée de jeu, la Cour souligne que ce n’est que lors de l’analyse de l’ensemble des soumissions le 26 février 2013 que la SIQ a constaté l’absence de la garantie de soumission. Ce faisant, les soumissions ont été manipulées à plusieurs reprises par les employés de la SIQ depuis le 22 février 2013. À la lumière des témoignages des parties, la Cour arrive à la conclusion que la traite bancaire était dans l’enveloppe au moment du dépôt.

Au surplus, la Cour est d’avis que la SIQ est responsable de sa perte et se prononce comme suit:

[36] En l’espèce, la preuve révèle que C.F.G. a bel et bien joint une garantie de soumission sous forme de traite bancaire à la soumission qu’elle dépose. Le fait que la SIQ ne constate pas sa présence lors de l’analyse des soumissions résulte uniquement de sa perte entre le moment de l’ouverture des soumissions et le moment de l’analyse des soumissions.

[…]

[38] Le processus d’appel d’offres est un processus rigoureux où les parties s’imposent un formalisme exigeant. Si l’absence d’une garantie de soumission est une cause de rejet automatique, en corollaire, un soumissionnaire doit s’attendre que la SIQ constate sa présence lors de l’ouverture de sa soumission. [Nos soulignements]

Il revient donc à la SIQ de vérifier, au moment de l’ouverture des soumissions, si les documents étaient accompagnés de la garantie requise. De plus, la Cour énonce que la manipulation des documents contenus dans les enveloppes augmente grandement les risques de perte:

[40] Le fait de manipuler les documents avant de vérifier ou non la présence des documents obligatoires augmente le risque de perte. Le fait d’analyser la soumission quatre jours après l’ouverture des soumissions augmente également le risque de perte. Le fait de jeter l’enveloppe au recyclage avant l’analyse augmente significativement le risque de perte.

Lors de l’évaluation des dommages, la Cour condamne la SIQ à payer la somme de 25 000$ à C.F.G., représentant le gain que cette dernière aurait réalisé si elle avait été retenue.

Ainsi, bien que les soumissionnaires doivent s’assurer de joindre tous les documents requis par l’appel d’offres à leur soumission, le donneur d’ordre doit quant à lui porter une attention particulière aux documents qui se trouvent dans l’enveloppe à partir du moment où elle est déposée.

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