Un locateur peut-il disposer des biens du locataire sans aucune indemnité?

C’est à cette question que le tribunal doit répondre dans l’affaire Gestion MGMV inc. c. Fortier[1].

Les parties en cause sont liées par un bail commercial, qui a été résilié pour non-paiement du loyer, suivant un préavis écrit.

Le bail contenait la clause suivante :

43.03.   Tous les biens meubles et les effets mobiliers que le locataire pourra laisser dans les lieux loués plus de 15 jours après l’échéance du présent bail ou sa résiliation deviendront automatiquement, sans autre avis que les présentes, la propriété exclusive du bailleur sans indemnité et sans recours par celle-ci.

L’article 43.03 du bail a pour effet de déposséder le locataire de ses biens sans aucune indemnité ni contrepartie.

Bien que le Code civil du Québec prévoie des dispositions pour les justiciables qui abandonnent leurs biens et, d’une manière plus précise, le droit pour le locateur résidentiel de disposer des biens abandonnés par le locataire, il ne prévoit pas de dispositions aussi précises en ce qui concerne un bail commercial.

Toutefois, le Tribunal reconnaît d’emblée qu’il est tout à fait loisible qu’un locateur puisse prévoir par contrat des règles pour faire face aux inconvénients créés par un locataire qui abandonne ses biens sur les lieux loués.

C’est cependant dans les modalités choisies par les signataires que la clause 43.03 du bail devient excessive et déraisonnable.

D’une part, par le simple écoulement d’une période très brève MGMV inc. devient automatiquement propriétaire des biens qui sont situés sur les lieux loués. D’autre part, la preuve démontre que le locataire a entrepris des démarches infructueuses auprès du bailleur pour récupérer ses biens, se heurtant à des portes closes. De plus, lorsqu’est venu le temps de disposer des biens, jamais le bailleur n’a avisé ou informé de quelque façon que ce soit le locataire des prix qu’il pouvait obtenir.

Le tribunal conclut que la clause, telle que rédigée et appliquée, ne répond pas au critère de bonne foi exigé par les articles 1375 et 1437 du Code civil du Québec et sera, dans les circonstances, considérée comme nulle.

Est-ce que de prévoir des modalités se rapprochant davantage de celles prévues dans le Code civil du Québec en regard des baux résidentiels aurait permis au bailleur de disposer des biens du locataire sans indemnité ?


[1] Gestion MGMV inc. c. Fortier, 2021 QCCQ 13988[/et_pb_text][/et_pb_column][/et_pb_row][/et_pb_section]

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