Les paroles s’envolent, les écrits restent…

contrat verbal

Dans l’affaire 11078526 Canada inc. c. 8455716 Canada inc.[1], les parties admettent avoir conclu un contrat verbal. Il est reconnu qu’un contrat verbal, qui contient tous les éléments nécessaires à sa formation, lie les parties à moins que la signature d’un écrit n’en constitue une condition essentielle[2]. Or, dans ce cas, les parties ne peuvent s’entendre sur la nature du contrat en question ni sur son contenu obligationnel. La demanderesse (ci-après « MTY ») allègue l’existence d’un contrat de franchise verbal avec la défenderesse. La défenderesse (ci-après « CGG ») allègue plutôt l’existence d’un contrat verbal s’apparentant davantage à un contrat de licence pour utiliser la marque de la franchise, soit Casa Grecque, sans s’obliger à titre de franchisé.

Selon MTY, un contrat, conforme au contrat type de franchise utilisé dans le cours normal de ses affaires, est intervenu entre les parties. Par ailleurs, un témoin pour MTY déclare avoir retrouvé un projet de contrat de franchise et d’autres documents connexes sur son ordinateur, bien que ces derniers n’aient jamais été signés. Il demeure qu’un projet de contrat non signé sauvegardé sur un ordinateur ne suffit pas, en soi, à démontrer la nature de l’entente intervenue entre les parties.

Pour qualifier la nature du contrat, le tribunal doit donc s’en remettre à la conduite des parties pour trouver la commune intention de ces dernières au moment de la conclusion de l’entente[3]. La preuve repose alors principalement sur le témoignage des parties et, surtout, sur leur crédibilité. À cet égard, le tribunal retient davantage le récit des témoins de MTY et conclut qu’il s’agit bel et bien d’un contrat de franchise.

Quant au contenu obligationnel, le tribunal doit tenir compte non seulement de ce que les parties expriment, mais aussi tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi[4]. Il ressort de la preuve que certains comportements de CGG sont contraires à l’essence même d’un contrat de franchise et constituent une inexécution des obligations qui lui sont imposées. Le tribunal conclut qu’il y a donc lieu de prononcer la résiliation du contrat verbal de franchise entre les parties.

Il aurait été, bien entendu, plus simple de régler ce différend si les parties avaient pris le temps d’écrire les termes de leur entente noir sur blanc plutôt que de laisser le tout à l’appréciation du tribunal. Certains conseils sont indémodables. Suivons donc ceux d’Horace : « Verba volant, scripta manent ».


[1] 11078526 Canada inc. c. 8455716 Canada inc., 2023 QCCS 3733, 2 octobre 2023, juge Hivon, j.c.s.

[2] Article 1385 du Code civil du Québec : Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n’assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle. Il est aussi de son essence qu’il ait une cause et un objet.

[3] Article 1425 du Code civil du Québec : Dans l’interprétation du contrat, on doit rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés.

Article 1426 du Code civil du Québec : On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

[4] Article 1434 du Code civil du Québec : Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi.

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