Le recours doit demeurer celui du requérant
Le 4 juin dernier, je discutais avec vous de la tendance récente affichée par les tribunaux québécois envers les requérants en autorisation en vertu de laquelle les juges se montraient plus exigeant quant aux démarches accomplies par ceux-ci (voir le billet en question ici: http://bit.ly/ToUb8N). Or, la récente décision rendue dans l’affaire Labrecque c. General Motors of Canada Ltd. (2012 QCCS 4746) cadre parfaitement avec cette nouvellle tendance.
Dans mon billet du 4 juin, je faisais état du fait que la raison du sous-tendait principalement ce durcissement relatif à l’égard des requérants en autorisation était la méfiance des tribunaux à l’égard des recours entièrement initiés et controllés par les avocats:
Cependant, un facteur important semble pousser le pendule à revenir dans la direction contraire. En effet, les juges n’aiment pas voir des recours collectifs dont la genèse vient entièrement des avocats, i.e. des recours où les avocats décident d’intenter un recours collectif et partent à la recherche d’un représentant. C’est pourquoi quelques jugements récents se montrent plus exigeants quant aux démarches effectuées par le représentant proposé. La décision récente dans l’affaire Patenaude c. Montréal (Ville de) (2012 QCCS 2402) en est une belle illustration.
L’affaire Labrecque montre que l’Honorable juge Marie Gaudreau a cette même préoccupation. En effet, elle note que la requérante n’a effectué absolument aucune démarche, que ce soit pour trouver d’autres membres, enquêter sur l’existence d’une véritable cause d’action ou vérifier si les membres étaient véritablement dans des situations similaires, s’en remettant totalement à ses avocats sur tous les fronts. Avec raison selon moi, la juge Gaudreau indique que les efforts de la requérante sont insuffisants en l’instance:
[75] Le Tribunal considère que la requérante n’a pas fait la démonstration exigée à l’article 1003 d) du Code de procédure civile.
[76] En effet, la requérante n’a pas démontré prima facie l’existence d’un groupe de membres dont la transmission aurait une défectuosité similaire et qui aurait souffert un préjudice similaire au sens de l’article 1003 a), b) et c) du Code de procédure civile.
[77] Cette démonstration est un prérequis.
[78] Tel qu’il a déjà été décidé :
« Il incombait à l’appelante et à la personne désignée d’alléguer des faits suffisants pour permettre que soit autorisé le recours. L’appelante et la personne désignée ne pouvaient pas s’en remettre à de simples spéculations ou hypothèses comme elles l’ont fait en l’espèce. Au stade de l’autorisation, le juge doit élaguer le texte de la requête des éléments qui relèvent de l’opinion, de l’argumentation non juridique, des inférences ou hypothèses non vérifiées ou encore qui sont carrément contredites par une preuve documentaire fiable. »
[79] De plus, dans l’arrêt Pagé c. Bell Mobilité, la Cour précise que :
« Ce n’est pas à partir de simples hypothèses et de suppositions que le demandeur peut inférer que plusieurs clients de l’intimée se seraient vu facturer de tels frais sans y avoir consenti. On ne peut utiliser la procédure de l’autorisation du recours collectif pour y découvrir des membres éventuels. »
[80] Elle n’a fait aucune démarche pour contacter d’éventuels membres : […]
[81] Au surplus, la requérante admet même n’avoir fait aucune tentative auprès d’autres membres afin de comparer sa situation : […]
Tel que je l’ai déjà mentionné, je ne vois aucun problème à ce que les procureurs en demande prennent un rôle très important dans l’élaboration et la conduite d’un recours collectif, mais l’on ne doit pas se rendre à une situation où le recours proposé devient presque exclusivement l’affaire de ces mêmes procureurs. La partie requérante (et plus tard la partie représentante) doit toujours conserver un rôle actif dans les procédures afin d’éviter les abus.