Protection des vendeurs contre les recours en vices cachés : Pensez-y!

Tel que le mentionnait Me Magali Fournier dans son billet du 6 janvier dernier, le vice caché a de multiples facettes et peut se retrouver au cœur de questions juridiques très intéressantes et très diversifiées. L’une de ces facettes est la possibilité qu’a le vendeur de se protéger, au moment de la vente, contre les recours éventuels en vices cachés. Nous verrons ici quels sont les moyens dont il dispose pour éviter de mauvaises surprises.

Rappelons que le vendeur d’un immeuble « est tenu », en vertu de l’article 1726 du Code civil du Québec, de garantir « que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus. (…) ». De plus, tous les propriétaires qui se sont succédé au fil du temps peuvent être tenus responsables si l’existence du vice remonte au temps où ils étaient propriétaires.

Ceci a donné lieu à des poursuites en cascades et à situations que certains ont qualifié d’absurdes, et qui ont défrayé la manchette il y a quelques années, tel que l’on peut le voir ici et ici. Plusieurs se sont insurgés contre le fait que d’anciens propriétaires, maintenant âgés, puissent être poursuivis et tenus responsables d’indemniser des acheteurs et ce, de nombreuses années après la vente de leur maison, en raison de vices impliquant des phénomènes dont ils n’avaient d’ailleurs jamais entendu parlé, tels que la pyrite. En effet, ce type de vice peut prendre des décennies à se manifester, et le délai de prescription ne court qu’à compter de la découverte du vice.

Quels sont donc les moyens que le vendeur d’un immeuble devrait considérer utiliser, pour se protéger contre de tels recours?

1. Exclusion ou limitation de la garantie légale. Malgré l’emploi des mots « est tenu » à l’article 1726 du Code civil, qui semblent indiquer que la garantie légale est obligatoire, les vendeurs ne sont pas obligés de vendre avec la garantie légale (de titre ou de qualité). Ils peuvent se protéger en vendant avec une garantie limitée (par exemple, avec la garantie quant au titre de propriété seulement), et ils peuvent même vendre sans garantie, aux risques et périls de l’acheteur, tel que le permet l’article 1733 du Code civil (sauf en ce qui concerne le vendeur professionnel soit, par exemple, un promoteur). Voici comment se lit l’article 1733 du Code civil :

« 1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.

Cette règle reçoit exception lorsque l’acheteur achète à ses risques et périls d’un vendeur non professionnel.»

Pour plus de détails sur l’exclusion de la garantie quant aux vices cachés, voir cette décision (Sultan c. Gitman).

2. Divulgation des incidents survenus quant à l’immeuble et des vices connus du vendeur. L’exclusion ou la limitation de responsabilité mentionnées ci-avant ne valent que dans les cas où le vendeur ignorait totalement le vice, car il est, en toutes circonstances, responsable quant aux vices qu’il connaissait, ne pouvait ignorer ou était présumé connaître. Le vendeur doit donc divulguer les vices qu’il connaît, en prenant soin de ne pas minimiser leur gravité. En divulguant tout ce qu’il connaît comme incident, défaut ou imperfection, le vendeur se protège car un vice cesse d’être caché s’il est porté à la connaissance de l’acheteur. Il est devenu pratique courante, pour les inspecteurs en bâtiment, de faire remplir des questionnaire détaillés aux vendeurs, pour protéger les acheteurs (et les inspecteurs), mais c’est également à l’avantage des vendeurs. Pour plus de détails quant à la divulgation, voir cette section du site de l’OACIQ.

En combinant ces deux moyens, le vendeur diminuera l’impression que la vente est proposée sans garantie de qualité parce qu’il y a anguille sous roche ou que le vendeur a quelque chose à cacher.

Par ailleurs, l’assurance juridique est un autre moyen de protection que tout vendeur d’immeuble devrait considérer, de même que les acheteurs, afin de faire face aux situations telles que celles décrites sur ce site concernant l’assurance juridique. (Mentionnons que les acheteurs devraient également considérer l’assurance titre résidentielle, pour se protéger contre des vices de titres, entre autres. La prime est payable une seule fois, lors de l’acquisition, selon un pourcentage du prix de vente qui résulte habituellement en une somme très raisonnable, si l’on considère les avantages que cela confère.)

Pour conclure, la protection juridique qu’offrent la vente sans garantie (ou avec garantie limitée) et la divulgation complète des facteurs pouvant affecter l’immeuble a un coût, car ceci se traduira potentiellement par une réduction du prix de vente. Il serait intéressant de savoir si la vente sans garantie quant aux vices cachés, dans un marché en demande et où cela se justifie facilement par l’âge des maisons, réduit considérablement l’intérêt des acheteurs et le prix de vente. À tout événement, cela vaut la peine d’en discuter avec son courtier immobilier avant de vendre sa maison. Idéalement, le vendeur aura en main les informations nécessaires pour déterminer ce qui est le plus important pour lui : le montant estimé qu’il devra consentir comme réduction du prix de vente, ou la paix d’esprit que lui procurera le fait d’être protégé contre les poursuites en vices cachés?

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