Quel est le secret de McCarthy?

Dans les derniers jours, j’ai dîné avec deux avocates qui faisaient face à des situations similaires: moins de 30 ans, pas proches d’avoir des enfants, quelques années de pratique et promises à de brillants avenirs. Or, ni l’une ni l’autre ne voulait bâtir sa vie en étant avocate. Ayant obtenu un baccalauréat en droit immédiatement après le Cégep, elles se sont dirigées vers la pratique privée sans trop se poser de question. L’une est maintenant en contentieux, l’autre toujours dans un grand bureau du centre-ville. Les deux se posent aujourd’hui de sérieuses questions sur la suite des choses. J’ai même le sentiment que les deux ne pratiqueront plus le droit d’ici 12 mois. Inutile d’ajouter qu’elles ne sont pas seules à penser ainsi…

Nous savons que les jeunes connaissent les opportunités dans le marché mieux que jamais et qu’ils veulent de la stabilité que les gros cabinets ne peuvent offrir à grande échelle et à long terme. De plus, la nouvelle génération veut un meilleur équilibre travail-famille. Mais est-ce que les grands bureaux sont voués à continuer de recruter de grandes quantités de jeunes à l’université pour les perdre dans un cycle de 4 ans et engager des latéraux à perpétuité? Procéder ainsi est très coûteux, ce n’est pas bon pour la culture d’entreprise et ça va probablement mener à des problèmes plus graves dans le futur.

Les cabinets concernés sont d’ailleurs inquiets de la chose et ce n’est pas nouveau. J’ai discuté avec quelques associés de grands bureaux dans les dernières semaines et ils disent tous la même chose: «comment allons-nous faire pour évoluer comme cabinet si nous ne pouvons garder les jeunes que nous formons?»

J’ai donc décidé d’aller chercher plus d’information sur le marché pour ne pas me fier à ce que quatre ou cinq personnes me disaient.

Voici les paramètres de ma recherche. Je voulais savoir combien d’avocats de quelques années d’expérience chacun des plus grands cabinets comptait. Pour comparer des pommes avec des pommes, j’ai pris les 6 bureaux avec le plus d’avocats à Montréal en fonction du classement L’Expert. On parle donc de cabinets avec plus de 140 professionnels dans la métropole. J’ai présumé que le partnership était atteignable dans un bureau après 8 ans de pratique, même si les chiffres varient en réalité. Je ne suis donc pas intéressé aux avocats de 7-8 ans de pratique puisque l’intérêt du partnership viendra fausser les données de rétention. Je regarde plutôt ceux qui ont 6 ans de pratique, donc les avocats dont l’année d’admission au Barreau du Québec est 2006.

En faisant le tour de ces cabinets, un constat nous frappe: McCarthy Tétrault compte dans ses rangs quatorze avocats qui ont été assermentés en 2006, soit près du double de Norton Rose, qui arrive au deuxième rang. D’autres géants n’en ont que trois ou quatre. Ce ne sont pas tous des avocats qui y ont fait leur stage, on en convient, mais le fait que les autres cabinets se plaignent qu’il manque d’avocats de ce niveau d’expérience sur le marché et que McCarthy en regorge est assez intéressant.

Me disant que c’était peut-être un hasard, j’ai regardé en 2007 et en 2008. Constat similaire, mais ils ont plutôt onze avocats assermentés au Québec en 2007 et sept en 2008.

Remarquons que ce n’est pas nécessairement attribuable à la qualité de vie offerte par ce cabinet. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans la sélection d’un lieu de travail, soit:

  • la rémunération;
  • la qualité des dossiers et des clients;
  • la possibilité d’avancement;
  • les responsabilités offertes et l’encadrement;
  • l’ouverture à la technologie;
  • l’efficacité des processus de travail (workflow).

La qualité de vie n’est donc pas le seul aspect à étudier, mais certains de ces facteurs font que ce cabinet semble être immunisé au phénomène qui se produit ailleurs. Il y a moyen de déterminer lesquels sont les plus importants en faisant une étude plus poussée, mais ça risque de me prendre un peu de temps. Ce sera donc pour une autre fois…

Ajout: Remerciements à Me Mira Levasseur Moreau pour la recherche. Un oubli de taille de ma part…

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