Un bon programme de remboursement réduit les risques de recours collectif, mais il ne les élimine pas

La question est souvent posée à savoir comment éliminer les risques de recours collectif. La réponse est simple, à moins de complètement fermer les portes d’une entreprise, il existera toujours des risques à cet égard. Il s’agit aujourd’hui d’un des coûts inhérents au domaine des affaires. Certes, il existe de bons moyens de réduire ces risques: on peut penser à la mise sur pieds d’un mécanisme interne de règlement rapide des différends et des plaintes, à des politiques généreuses de divulgation de l’information à propos des produits et services et, bien sûr, à la mise en place d’un programme de remboursement pour les clients insatisfaits. Mais, il est important d’en être informé, même le meilleur programme de remboursement n’est pas un obstacle à l’introduction de procédures en recours collectif comme le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Apple Inc. c. St-Germain (2010 QCCA 1376).

Rappelons d’abord brièvement les faits de l’affaire. La Commission du droit d’auteur du Canada avait rendu une décision imposant à Apple le paiement de certaines redevances pour la vente de ses iPod. Même si Apple se pourvoi contre cette décision devant la Cour fédérale d’appel, elle augmente le prix de ses appareils iPod pour y inclure implicitement le montant de cette redevance. Elle collecte le montant en question jusqu’à ce que la Cour fédérale d’appel lui donne raison et casse le jugement de la Commission du droit d’auteur. La SCPCP, laquelle recevait les redevances d’Apple, annonce alors qu’elle remboursera à Apple la totalité des redevances perçues.

M. St-Germain, au courant de la situation, intente un recours collectif contre Apple au nom de tous les consommateurs qui ont payé cette redevance implicite. Subséquemment, Apple met en place un programme de remboursement qui a pour but de retourner aux consommateurs le montant intégral de l’augmentation du prix nécessaire au paiement des redevances. Elle plaide donc que le recours collectif n’est pas nécessaire ou souhaitable, puisque tous les membres du groupe peuvent obtenir leur remboursement sans avoir à utiliser la voie judiciaire.

La Cour supérieure accueille néanmoins le recours collectif au motif que l’on ne peut forcer une personne à accepter un programme de remboursement. Bien qu’il est contre intuitif et possiblement illogique pour un consommateur de refuser un remboursement et de réclamer celui-ci par la voie judiciaire, cela reste sa prérogative selon la Cour.

La Cour d’appel renverse la décision pour d’autres motifs, mais confirme le raisonnement de la Cour supérieure quant au fait qu’un programme de remboursement, aussi complet soit-il, n’est pas un obstacle à l’introduction d’un recours collectif. Seule l’offre et consignation judiciaire du montant total de la réclamation aurait pu stopper le recours collectif:

[34] Premièrement, l’intimé aurait certes pu transiger avec l’appelante et accepter son offre de remboursement, mais la transaction est un contrat (art. 2631 C.c.Q.) et on ne peut contraindre quelqu’un à transiger contre son gré. Mis au courant de la procédure interne de l’appelante à peine quelques jours après avoir déposé sa requête pour autorisation d’exercer un recours collectif, l’intimé a choisi de ne pas tirer parti de cette offre. Si l’on était ici en présence d’une réclamation individuelle ne concernant que le remboursement dû à l’intimé, la continuation d’une demande en justice dans ces conditions, c’est-à-dire en dépit d’une offre de règlement complet et rapide par la débitrice alors même qu’elle n’a pas été mise en demeure extrajudiciairement, pourrait sembler abusive et, sans doute, risquerait fort d’être qualifiée de telle. Mais l’intimé, ici, demandait à représenter les intérêts d’un groupe et non simplement à faire valoir les siens.

[35] Deuxièmement, le débiteur d’une obligation pour laquelle le créancier refuse de recevoir paiement peut se libérer de cette obligation en consignant la somme appropriée selon la procédure prévue aux articles 187 et suivants du Code de procédure civile. La codification des règles comprises aux articles 1573 et suivants du Code civil du Québec, et notamment à l’article 1583, a sensiblement facilité les choses pour le débiteur qui souhaite profiter de ce dispositif juridique puisqu’il lui est maintenant possible de procéder par engagement financier irrévocable conforme au second alinéa de l’article 1574 C.c.Q. Or, bien qu’elle se soit engagée d’emblée à rembourser la fraction du prix de vente de ses produits correspondant aux redevances qu’elle destinait à la SCPCP, l’appelante n’a pris aucune mesure pour consigner les sommes provenant d’acheteurs au Québec. Questionné à l’audience sur ce point, l’avocat de l’appelante a laissé entendre que la chose était incommode, explication qui paraît un peu courte.

[36] Troisièmement, un « engagement financier irrévocable tient lieu à la fois d’offres réelles et de « consignation » », de sorte qu’une fois cette démarche accomplie, l’issue d’un litige comme celui-ci est assujettie à l’article 1025 C.p.c. Si elle avait procédé ainsi, l’appelante aurait été en mesure de faire valoir devant le tribunal tout argument qui lui aurait semblé justifié quant aux coûts de transaction qu’engendrait pour elle la volonté de l’intimé de poursuivre la contestation. Parmi ces coûts se trouvent évidemment les honoraires extrajudiciaires des avocats. Les tribunaux, avec raison, n’hésitent pas à réviser le montant de ces honoraires en fonction de leur valeur réelle, à les arbitrer et à les réduire lorsqu’ils sont inutiles, exagérés, ou hors de proportion au regard de ce que le groupe retire du recours. En outre, l’appelante se serait présentée devant le tribunal armée de bons arguments. Ce n’est pas sans raison que la juge de première instance écrivait, au paragraphe [54] de ses motifs : « On peut même penser que ce programme [la procédure interne de l’appelante], tel quel ou avec certaines modifications, aurait pu recevoir l’aval du Tribunal s’il avait fait l’objet d’une entente soumise à son approbation.

Bien sûr, un programme de remboursement reste une excellente initiative. Non seulement est-ce qu’il réduit le risque de recours collectif, mais il réduit également substantiellement la taille du groupe représenté (tous les consommateurs ayant déjà obtenu leur remboursement étant exclus) et le risque d’être condamné au paiement de dommages punitifs ou exemplaires. En effet, la considération principale quant à l’octroi possible de ces dommages est le comportement de la partie défenderesse et très peu de choses sont aussi évocatrices de la bonne foi d’une partie qu’une offre de remboursement intégral.

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