Qui lève le pouce consent

Lève le pouce

Il est indéniable que les émojis sont maintenant omniprésents et font désormais partie de nos communications électroniques. Les variations d’émojis sont nombreuses et leur usage est en croissance. Ils sont habituellement utilisés pour nuancer ou amplifier un message et sont particulièrement utiles pour aider à interpréter ou traduire une intention[1]. On peut penser au bonhomme sourire qui accompagne un message : il s’ensuit que le message sera probablement, par opposition au bonhomme qui pleure, positif. Mais qu’arrive-t-il quand l’émoji est utilisé sans message pour l’accompagner ? Est-il suffisant pour remplacer une signature ?

La Cour du banc du Roi de la Saskatchewan a tout récemment dû se pencher sur cette question. South West Terminal Ltd., acheteur de céréales (l’«Acheteur »), a contacté Achter Land & Cattle Ltd., le vendeur de céréales (le « Vendeur »)[2]. Intéressé par l’offre proposée, l’Acheteur a décidé d’envoyer au Vendeur une photo de son contrat par message texte en lui demandant, toujours par message texte, une confirmation. Le Vendeur a répondu par un émoji, le fameux « pouce en l’air ». Or, le Vendeur n’a jamais livré les céréales. S’agit-il d’une rupture de contrat ou n’y avait-il tout simplement pas eu conclusion d’un contrat valide ? L’Acheteur prétendait qu’il y avait eu acceptation du contrat alors que le Vendeur prétendait qu’il n’y avait eu que réception du contrat dont les termes seraient révisés et acceptés ultérieurement.

Ici, le contexte de l’affaire est particulièrement important. En effet, il a été démontré que les parties avaient l’habitude de conclure des contrats par message texte et par des réponses succinctes, comme « yes » ou « looks good ». Et, donc, qu’en est-il du pouce en l’air ? Selon le tribunal, dans ce cas-ci en particulier, cet émoji signifie que le contrat a bel et bien été accepté, comme s’il y avait eu une signature en bonne et due forme. Donc, un émoji envoyé par message texte peut valoir consentement, dans certains cas. Tout dépend du contexte.

La décision dans cette affaire peut en surprendre plusieurs, mais une chose demeure claire : dans cette ère des technologies, il faut désormais relire chaque mot ET émoji avant d’envoyer des messages. Le « pouce en l’air » est un émoji commun et bien connu de tous, mais qu’en est-il des émojis qui sont plus difficiles à comprendre, qui portent à controverse ou dont le sens est ambigu ou détourné ? Il suffira peut-être de n’attendre que quelque temps pour qu’un autre jugement tout aussi surprenant vienne nous éclairer à ce sujet.

 

[1] BICH-CARRIÈRE, Laurence, «Que pensent les tribunaux des émojis, émoticônes et autres pictogrammes?», 2018 CanLIIDocs 10684 (en ligne, consulté le 9 septembre 2023).

[2] South West Terminal Ltd. v. Achter Land & Cattle Ltd., 2023 SKKB 116.

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