Saga Em-Yo : LE jugement de l’été en immobilier

Dans l’affaire Em-Yo Properties Inc. c. Lessard, la Cour supérieure a eu à se prononcer sur une action en dommages-intérêts découlant de l’acceptation non autorisée d’une offre d’achat concernant une propriété à revenus située sur le boulevard des Sources, dans l’Ouest de l’Ïle de Montréal.

L’intérêt de cette décision découle du fait que le juge a eu à se prononcer sur plusieurs notions importantes, tant pour les parties impliquées dans des transactions immobilières en matière commerciale, que pour leurs conseillers et intermédiaires (avocats, notaires et courtiers immobiliers), telles que :

  • l’autorité du prête-nom pour ester en justice (oui)

  • l’application du concept de  « beneficial ownership »  en droit civil québécois (non)

  • la possibilité d’invoquer l’ « indoor management rule » (oui, selon les circonstances), et qui peut l’invoquer (pas celui qui a accepté une offre d’achat au nom d’une société sans détenir les autorisations requises! Le juge qualifie cette tentative d’ « indoor management rule in reverse »)

  • la responsabilité du courtier immobilier eu égard aux lois et règlements régissant le courtage immobilier, et l’obligation du courtier de faire des vérifications quant aux autorisations des représentants des parties à une transaction immobilière (non, du moins, dans cette instance, compte tenu des circonstances)

En ce qui concerne ce dernier point, le juge a exonéré le courtier de toute responsabilité, statuant que :

« [255] (…) if a broker knows that a signatory lacks authority before an offer is signed, he must either not submit the offer for signature or he must denounce the lack of authority as soon as he learns of it; but in the absence of suspicious circumstances that entail a general obligation of prudence, he is not obliged to find out if the signatory has authority to begin with unless generally accepted brokerage practice requires that he do so. »

De plus, le juge a distingué les obligations déontologiques du courtier immobilier qui sont principalement du ressort du comité de discipline de l’OACIQ (Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec, autrefois l’ACAIQ), de celles qui donnent ouverture à un recours civil :

« [240] (…) independently of any regulatory obligation of due diligence, the broker like any other mandatary, must act prudently in the circumstances that present themselves.

[241] The second part of the article [i.e. Article 1 of the Rules of Professional Ethics of the Association des Courtiers et Agents Immobiliers du Québec, R.Q. c. C-73.1, r.5] – to demonstrate integrity, courtesy and a spirit of cooperation and not to commit acts derogatory to the honour and dignity of the profession – is essentially deontological, giving rise to disciplinary sanction but not necessarily responsibility in damages. »

Outre l’écheveau des faits de cette cause, qui offre, comme souvent, une perspective unique sur le monde des affaires, cette décision a le mérite de passer en revue plusieurs facettes du droit immobilier, allant des concepts juridiques fondamentaux aux aspects plus pratiques. Une excellente lecture, qui suscite déjà de beaux échanges parmi les praticiens du droit immobilier.

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