Soumission trop basse ou trop élevée

L’écart entre les prix soumis, ou entre ces derniers et le prix estimé, laisse parfois perplexe plus d’un acheteur public. Voici une mise situation: le donneur d’ordre lance un appel d’offres et se rend compte à l’ouverture des soumissions que les prix proposés sont trop élevés par rapport à ses attentes ou encore que le  prix  du plus bas soumissionnaire est anormalement inférieur à ceux des autres soumissionnaires. Devrait-il octroyer malgré tout le contrat au plus bas soumissionnaire ou simplement abandonner le processus et retourner en appel d’offres? C’est un dilemme auquel les donneurs d’ordre font face très souvent.

Entendons-nous bien, l’octroi d’un contrat à un prix trop élevé, fut-il la plus basse soumission, ne serait pas réaliste au regard du système d’appel d’offres dont l’objet vise essentiellement à assurer la concurrence et réduire les coûts. Dans leur ouvrage portant sur Les contrats municipaux,  les auteurs Jean Hétu et Yvon Duplessis rapportent d’ailleurs ce qui suit: « Comme les tribunaux l’ont déjà souligné:  » Il existe une obligation envers le trésor public qui ne doit jamais être tenu de payer, sans une bonne raison, un prix plus élevé que nécessaire « ». 

D’un autre coté, il est clair que la soumission la plus basse n’est pas toujours la plus avantageuse pour le donneur d’ordre. En effet, lorsqu’ils sont trop bas, les prix soumis engendrent des risques susceptibles de compromettre la bonne exécution du contrat : défaut de qualité, délais d’exécution non respectés, coûts additionnels pour le donneur d’ordre, etc. Ce point est également rappelé au paragraphe 45 de la décision dite M.J.B Enterprises Ltd. rendue par la Cour suprême du Canada.

Pour le surplus, il faut souligner que le donneur d’ordre hésitera à octroyer le contrat, car le risque de se faire poursuivre par le soumissionnaire évincé demeuré présent, quel que soit le côté envisagé.

Dans un tel contexte, l’on comprend que certains donneurs d’ordre seront tentés d’abandonner le processus et de retourner en appel d’offres. Cette initiative sera facilitée par la présence d’une clause de réserve dans leurs documents d’appel d’offres qui, on le rappelle, a pour effet d’indiquer aux soumissionnaires que le donneur d’ordre ne s’engage pas à adjuger le contrat ni au plus bas soumissionnaire ni à aucun des soumissionnaires. Toutefois, reconnaissons que même si la clause de réserve peut être d’un grand secours pour annuler le processus d’appel d’offres, cette solution n’est guère plus avantageuse et plus économique pour le donneur d’ordre confronté à une situation d’urgence et devant supporter des coûts additionnels pour retourner en appel d’offres.

Au vu de ce qui précède, il serait souhaitable que le gouvernement intervienne pour définir des règles précises au sujet des soumissions de prix anormalement bas ou excessif. Cette intervention pourrait par exemple passer par l’adoption et la définition d’un « prix soumis acceptable » qui sera déterminé selon une méthode de calcul permettant de fixer des seuils d’anomalie et de considérer comme « suspectes » les offres qui les franchissent!

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