Bail commercial — Le b.a.-ba de la négociation pour le locataire avisé
Même si le Code civil contient plusieurs dispositions concernant les baux (art. 1851 à 1891 CCQ.), et que ces dispositions sont applicables aux baux commerciaux de manière supplétive, le bail commercial est un contrat souvent long, que la Cour d’appel a qualifié d’«écrit juridique notoirement complexe». (Cf. Sobeys Québec Inc. c. Coopérative des consommateurs de Ste-Foy, 7 décembre 2005 (CA); 2005 QCCA 1172, par. 19. (Marie-France Bich, J.C.A.).
En fait, la pratique veut que l’on utilise comme point de départ le bail type du bailleur, dont les clauses ont très souvent pour but d’écarter ou de prévoir exactement l’inverse de ce qui est prévu au Code. Dans ce contexte, le rôle du locataire est de négocier des aménagements à ces clauses pour tenter de trouver un équilibre. Aucun bail n’est pareil car aucun immeuble n’est pareil. De plus, le document final dépendra du rapport de forces entre les parties, selon le marché, la dimension des locaux, la durée du bail, et même la réputation et la situation financière du locataire.
Comme toute entreprise doit se loger, elle devra, au fil des ans, négocier des baux à intervalles plus ou moins réguliers, à moins d’être propriétaire de tous ses locaux. Comme le bail fait partie d’un processus qui implique plusieurs volets opérationnels (identification de l’immeuble et planification du déménagement, embauche d’effectifs, design et construction des aménagements), les délais pour conclure les baux ne sont malheureusement pas toujours aussi longs que l’on pourrait le souhaiter. Il arrive fréquemment que l’on nous demande de réviser un bail en quelques heures pour identifier les points les plus importants. Une fois déterminés les éléments principaux que sont (i) les lieux loués, (ii) la durée et (iii) le loyer, voici 5 points auxquels un locataire avisé (mais pressé!) devrait consacrer ses énergies :
1. Quelle est la condition actuelle des lieux? Y a-t-il des contaminants? Le bailleur donnera-t-il des garanties à ce sujet? Prendre des photos/vidéos en début de bail pour contrer la présomption contenue dans le Code civil selon laquelle les lieux loués ont été livrés en bonne condition. (Cf. art. 1890 CCQ : «Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, mais il n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale du bien ou d’une force majeure. L’état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu’en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail.».)
2. Dans quel état les lieux loués devront-ils être retournés au bailleur à la fin du bail? La plupart des baux types des bailleurs prévoient, comme l’article 1890 du Code civil, que le locataire devra les remettre dans l’état où il les a reçus, ce qui pourrait impliquer l’enlèvement des améliorations locatives. Pour éviter cette « prime de départ » qui peut être très coûteuse, il est bon de prévoir que le locataire n’aura pas à restaurer les locaux à leur état d’origine mais qu’il devra les laisser propres et bien entretenus (exception faite des travaux requis en raison de la vétusté, de l’usure normale ou d’une force majeure).
3. La clause d’usage est-elle assez large pour couvrir l’évolution éventuelle des activités du locataire? Les règlements de zonage permettent-ils l’usage envisagé? Demander des droits d’exclusivité dans l’immeuble ou sur l’étage? Quels sont les besoins du locataire en termes d’affichage?
4. Y a-t-il une option de renouvellement ou de prolongation? Comme le locataire en vertu d’un bail commercial n’a pas droit au maintien dans les lieux à l’expiration de la durée du bail, il est essentiel de prévoir au moins une option de renouvellement. Le loyer n’a pas à être prévu à l’avance, mais on peut s’entendre sur les critères de détermination du loyer, tels que « loyer du marché pour des espaces semblables dans l’immeuble ». Une option de résiliation et/ou de réduction d’espace doit-elle être envisagée? Qu’en est-il de la flexibilité au niveau de l’expansion? Prévoir un droit de premier refus ou un droit de première offre?
5. Le bailleur a-t-il le droit de changer l’emplacement des lieux loués? La plupart des baux types le prévoient. Est-il possible d’enlever cette clause ou, du moins, de la tempérer? Pour le reste, il faut regarder le bail sous l’angle de ces deux questions : « Qui fait quoi?» et « Qui paie pour quoi? », car tout est permis et ouvert à la négociation, ou presque.