La Constitution, un « elephant in the room »?
On attribue aux éléphants bien des qualités : la mémoire, la communication, le pouvoir, la compassion. Voir Douglas H. Chadwick, « The Fate of the Elephant ». L’éléphant est même le symbole d’un grand parti politique aux États-Unis. L’éléphant sert également de métaphore dans l’expression idiomatique Elephant in the room pour signifier une réalité évidente alors que des gens prétendent qu’elle n’est pas présente. Pour les juristes, l’éléphant est toujours présent quand on suit la méthode juridique d’analyse, car il faut toujours poser et reposer la question « Où est la source de la réponse à la question dans la Constitution? ».
Je me souviens que durant mes études en droit constitutionnel à McGill sous le leadership de Frank Scott, grand constitutionnaliste, professeur, doyen de la Faculté, activiste et poète, on se creusait les méninges sur l’Acte de l’Amérique du Nord, 1867, de la jurisprudence (beaucoup de causes, à ce que je me souvienne, avaient trait aux tavernes, par exemple Hodge et La Reine, Christie et York, Roncarelli et Duplessis, etc. Voir aussi Christine Sismondo, « America Walks into a Bar »), la doctrine et la coutume (convention).
Aujourd’hui, c’est quoi l’ajout à la Constitution, mis à part l’Acte de 1982, après 50 ans de recherche historique et archéologique intensive? Certes, la recherche révèle un héritage commun très riche et détaillé incluant ce que certains chercheurs qualifient « d’alliances fondatrices », les relations entre les autochtones et les immigrants, du Canada, nom dérivé du mot autochtone signifiant « nos foyers » qu’on retrouve à l’hymne national. Voir, par exemple, Marcel Trudel, « A-t-on oublié que jadis nous étions ‘frères’? alliances fondatrices et reconnaissance des peuples ».
Gabriel Sagard a écrit son « Histoire du Canada » en 1667. Or, le Canada existait déjà depuis un certain temps. Le Canada a-t-il commencé avec la réunion de Jacques Cartier et des autochtones en 1535 à Hochelaga?
Certains disent que non, car d’après eux, au retour des Français les autochtones n’étaient plus là, ce qui a permis aux Français de revendiquer le statut de premiers arrivés. (Je n’ai jamais compris le but d’une telle revendication quand on dit communément que les premiers seront les derniers.) Toutefois, c’est sûr qu’à l’heure de la fondation de la ville de Québec en 1608 les autochtones étaient là car Samuel de Champlain, le fondateur du peuple canadien et le premier Gouverneur général du Canada, partait en guerre avec eux pour aller battre les maudits Anglais et leurs alliés autochtones au même moment où les Hollandais débarquaient à Manhattan.
Même si on adore La Guerre, Yes Sir!, c’était plutôt la paix entre les nouveaux arrivés et les autochtones et ça pour deux motifs : l’entraide et le commerce, au point où la paix était la règle et la guerre l’exception, même si on en parle en proportion inverse. Les autochtones ont la mémoire longue et se souviennent des traités, tant à l’Est avec les Français qu’à l’Ouest avec les Anglais et les Hollandais, des traités de paix favorisant le respect et l’amitié. La recherche a corroboré la mémoire, par exemple de la Grande Paix de Montréal de 1701.
Tout allait relativement bien pendant une période de 200 ans jusqu’au Traité de Gand en Belgique (Waterloo est aussi en Belgique) en 1814 mettant fin à la guerre de 1812 quand les Britanniques ont abandonné leurs grands alliés autochtones à leur sort aux États-Unis, ceux-là mêmes qui avaient permis aux Britanniques de conserver le Canada. Les autochtones n’étaient pas partie à ce Traité. Les autochtones n’étaient pas non plus partie au marché de la Confédération en 1867, le Parlement à Ottawa ayant été désigné pour traiter avec eux en conformité avec les traités déjà faits. Quand on pense à notre histoire, ça revient au choix de se souvenir soit de la guerre, soit de la paix. Je pense que la forte majorité des citoyens opterait pour la paix avec la guerre comme risque à gérer.
Toutes ces relations font partie de notre héritage. Mais est-ce qu’elles font partie de notre Constitution de sorte qu’il faudrait ajouter d’autres Actes à ceux de 1867 et de 1982? Est-ce qu’en principe notre Constitution et notre héritage devraient s’accorder? Je vous soumets que oui, avec le résultat que mieux connaître la Constitution peut prendre la place de l’amendement de la Constitution. Quand on voit le mot « Canada » dans un Acte, est-ce que ce mot nous ramène à 1608 et à tout ce qui est intervenu par la suite?
Il faut faire la preuve de l’histoire, un défi de taille quand on pense au volume de la recherche disponible. Ajoutez la dimension contradictoire à ce défi et ça devient tout un éléphant. Aussi, la jurisprudence de la Cour suprême du Canada dépend de la preuve produite aux nombreux dossiers de causes de longue durée, laquelle jurisprudence ne tient pas compte de façon intégrale de la recherche.
Toutefois, la Cour suprême elle-même a indiqué la piste de la solution au problème : faisons des suppositions raisonnables et penchons-nous plutôt sur les conséquences par rapport aux grandes questions d’aujourd’hui. Voir, par exemple, Haida Nation c. Colombie-Britannique (2004) 3 S.C.R. 511 et Taku River Tlingit First Nation c. Colombie-Britannique (2004) 3 S.C.R. 550. Voir aussi le jugement du juge Vickers dans l’affaire de Tsilhqot’in Nation c. Colombie-Britannique 2007 BCSC 1700.
Supposons que les valeurs à la base de notre Constitution soient la paix, le respect et l’amitié en pratique en matière de logements, de santé, de sécurité, d’alimentation, de ressources naturelles, d’économie. Imaginez. Voici ma vision.
I have a dream, too, Je rêve, moi aussi,
Of a Constitution D’une Constitution
Based upon Peace Basée sur la Paix
Respect and Friendship Le Respect et l’Amitié
In Practice. En pratique.
Derived from the Treaties Dérivée des Traités
Flowing from relations Émanant des relations
With indigenous peoples Avec les peoples indigènes
At the origins of Canada Dès les origines du Canada et
Centred on trade. Axés sur les échanges.
In harmony with nature En harmonie avec la nature
Sustainable development Développement durable
Within a framework of laws Encadrée par des lois
Promoting wisdom, Promouvant la sagesse
Common sense and fairness. Le sens commun et l’équité.
Resolving conflict Résoudre le conflit
By a process of dialogue Par un processus de dialogue
Seeking the truth Rechercher la vérité
Exploring the options Examiner les possibilités
Deciding together. Prendre des décisions ensemble.
Housing, food, finance Habitation, alimentation, finance
Health, security, education Santé, sécurité, éducation
Interests becoming rights Les intérêts devenant des droits
And legitimate expectations Et des attentes légitimes
Markets and Gifts integrated. Les marchés et les dons intégrés.
Dialogues custom-made Dialogues faits sur mesure
For the situation Pour la situation
Building blocks Les pierres de construction
Of society, accepting identity. De la société, acceptant l’identité.
Multiple interventions. De multiples interventions.
A dream shared Un rêve partagé
By millions Par des millions
Waiting for a spark of En attente d’une étincelle
Leadership, this way Du leadership, par ici la voie
Out of the maze to the clearing. De sortie du labyrinthe à la clairière.