Le Stade – les litiges – et l’obligation de collaborer
Cette semaine, nous avons beaucoup entendu parler du Stade Olympique. La RIO a présenté un nouveau projet de revitalisation du secteur par la confection d’un parc urbain. Je ne vous écrirai pas sur ce nouveau projet, je ne le connais pas. Cependant, le mode de financement proposé m’a rappelé un litige important des années 2000. En effet, la RIO a mentionné qu’elle allait se servir d’une portion de l’argent obtenue de Birdair lors du règlement du litige entre cette dernière et la RIO.
Faisons un petit retour historique. Dans les années 1990, la RIO cherche à trouver une solution (encore) pour le toit du stade. En 1997, elle accorde finalement le contrat à Birdair qui se spécialise dans l’installation de toiture en membrane « sheerfil ». Malheureusement, en 1999, la toile cède sous la pression de la neige.
Comme dans toute bonne histoire de cette nature, plusieurs litiges ont découlé de ce contrat. Celui qui a fait l’objet d’une couverture médiatique importante est évidemment celui de la RIO contre Birdair. Dans ce dossier, plusieurs questions préliminaires intéressantes ont été soulevées.
Entre autres, la Cour d’appel a décidé que les dispositions d’ordre publiques concernant l’interdiction pour les avocats de se placer en conflit d’intérêts primaient sur le contrat d’assurance. En effet, il avait été prévu au contrat d’assurance que si plus d’un assuré était poursuivi, un seul procureur serait assigné pour assurer leur défense. Cependant, les assurés prétendaient que cet avocat serait en conflit d’intérêts puisque les intérêts de l’un n’étaient pas les mêmes que les intérêts de l’autre. La Cour d’appel a accepté la prétention des assurés et a ordonné que chacun des assurés soit représenté individuellement malgré le langage clair du contrat.
Quoi qu’il en soit, ce litige entre la RIO et Birdair a été réglé à l’amiable en 2007.
Un litige, un peu moins médiatisé, avait cependant commencé avant même la fin des travaux, et s’est terminé par un procès qui s’est tenu en 2009 et dont le jugement a été rendu en 2010. Il s’agit de l’affaire Danny’s Construction Company Inc. c. Birdair Inc.
Pour faire bref, Birdair, après avoir obtenu le contrat de la RIO a décidé de donner la construction du projet en sous-traitance à l’entreprise Danny’s Construction Company Inc. Alors que les travaux sont plus qu’à la moitié exécutés, Birdair met unilatéralement fin au contrat, et escorte le sous-traitant à l’extérieur du chantier, en prétendant qu’il était en défaut.
Danny’s Construction a poursuivi pour les dommages causés par la résiliation unilatérale du contrat. Birdair a répliqué par deux poursuites dont l’une était pour les dommages qu’elle avait subis principalement dus à l’embauche d’un autre sous-traitant pour terminer les travaux.
Il s’agit d’une longue décision, qui suit un long procès (un peu moins de 80 jours d’auditions). La Cour supérieure avait à trancher plusieurs questions en litige, et certaines de ces décisions sont intéressantes :
- La Cour Supérieure a décidé que le sous-traitant n’était manifestement pas en défaut en vertu du contrat et que la seule raison pour laquelle Birdair avait résilié le contrat c’était la difficulté financière dans laquelle se trouvait Danny’s Construction;
- Qu’étant donné que la difficulté financière du sous-traitant était entièrement due aux retards de Birdair dans l’exécution de sa portion du contrat, cette dernière ne pouvait se servir de ce motif pour mettre un terme prématurément au contrat;
- Que de toute façon, Birdair n’avait pas donné l’avis de 7 jours prévu au contrat pour mettre un terme au contrat, ce qui était une omission fatale;
- qu’il aurait été essentiel de tenter de collaborer afin de trouver une solution, plutôt que d’agir de façon intempestive et d’escorter le sous-traitant à l’extérieur du chantier;
Il est aussi intéressant de noter que Birdair a été condamné à des dommages additionnels pour abus de procédures. Le juge a, entre autres, reproché à Birdair de forcer le sous-traitant à prouver chacun des moindres faits allégués, même s’ils ne pouvaient raisonnablement pas être contestés. Il lui a également reproché d’avoir tardé avant de faire certaines admissions. En somme, il lui a reproché d’avoir compliqué et fait durer le processus judiciaire inutilement. Birdair a été condamné à verser une partie des frais d’avocats encourus par le sous-traitant.
Les grands chantiers de construction sont particulièrement susceptibles de créer de grands litiges étant donné, entre autres, le nombre d’intervenants, mais également à cause des imprévus. Les contrats ont beau être complets et prévoir toutes les situations possibles, il n’en reste pas moins que des problèmes surviennent régulièrement. Tenter de trouver une solution avant que le tout dégénère est, presque toujours, la meilleure solution.