Un changement de culture s’impose – un Mémoire
Voici en primeur un Mémoire à l’Assemblée nationale du Québec dans le cadre des travaux parlementaires à la Commission des institutions, Consultation générale et auditions publiques sur l’avant-projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile. Le Mémoire est divisé en trois parties : Introduction, Articles sur la nouvelle culture, et Conclusions.
Introduction
Pourquoi un nouveau Code? 80 % des gens n’ont pas accès à la justice et la poignée qui peut se permettre des procédures a accès à une justice désuète. Est-ce que ça suffit comme motif pour rédiger un nouveau Code? Il est quand même utile de se rappeler que la réforme s’est amorcée dans les années 1970 suite à l’évolution de la société après la Deuxième Guerre mondiale. Ce dernier conflit a permis à l’humanité de constater qu’il ne suffisait pas de débattre et parler, mais qu’il fallait instaurer de nouveaux systèmes pour promouvoir la paix et éviter la guerre.
Un très bref historique de la réforme nous permet de nous rendre compte de la taille du défi devant nous à ce moment-ci. C’est la magistrature qui a lancé un cri de cœur pour un meilleur système. Ce cri de cœur a créé un environnement qui a encouragé la Cour supérieure à passer à l’action dans le district de Montréal par le projet pilote de 1989 à 1992. Le Barreau a pris le contrôle de la réforme pendant la période 1993-2002. En 2003, l’Assemblée nationale du Québec est intervenue pour effectuer un changement de culture.
Ce changement n’a pas eu lieu dans les faits et cela pour diverses raisons. Nous voici en 2011-2012. Nous ne devrons pas manquer notre coup cette fois-ci. Il faut que nous nous mettions tous du même côté, que toutes les énergies soient déployées pour faire valoir dans les présents travaux la nouvelle culture, laquelle a quand même des racines profondes dans notre culture au Québec, soit la coopération. Ce sont ces racines qui nous ont permis à l’honorable Gontran Rouleau, j.c.s. et à moi-même d’établir un rapport instantané lors du projet pilote.
Pour ma part, j’ai décidé par une série d’articles publiés par Edilex de décrire le changement de culture qui s’impose afin que nous puissions examiner par la suite l’avant-projet de loi pour voir s’il y a quoi que ce soit à y ajouter afin que s’opère enfin le changement de culture. Il faut se poser une deuxième question : est-ce qu’une loi suffira ou faut-il prévoir des crédits budgétaires et des mesures exécutives?
Articles sur la nouvelle culture
Les lecteurs du blogue peuvent facilement récupérer les 15 articles écrits à ce jour. Le Mémoire transmis à l’Assemblée nationale les produira intégralement afin de faciliter la tâche des membres de l’Assemblée nationale.
Conclusions
La physique nous apprend que les changements de systèmes sont sensibles aux conditions initiales. Voir James Gleick, « La théorie du chaos – Vers une nouvelle science ». Dans le cadre du présent Mémoire, j’examine l’article 1, titre 1 « LES PRINCIPES DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX MODES PRIVÉS DE PRÉVENTION ET DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS » du Livre I « LE CADRE GÉNÉRAL DE LA PROCÉDURE CIVILE » de l’avant-projet de loi, qui se lit comme suit :
« 1. La justice civile privée repose sur les modes privés de prévention et de règlement des différends qui sont choisis d’un commun accord par les parties intéressées, dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né.
Ces modes privés sont principalement la négociation entre les parties au différend de même que la médiation ou l’arbitrage dans lesquels les parties font appel à l’assistance d’un tiers. Les parties peuvent aussi recourir à tout autre mode qui leur convient et qu’elles considèrent adéquat, qu’il emprunte ou non aux modes indiqués.
Les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux. »
L’avant-projet favorise nettement la mise en œuvre de la nouvelle culture. Mais il y a un manque de clarté à deux égards.
Premièrement : il faut annoncer en toutes lettres l’intention d’effectuer un changement de culture, le mandat accordé par l’Assemblée nationale du Québec, non seulement aux justiciables mais aussi à la magistrature et au Barreau du Québec et à ses membres ainsi qu’à l’ensemble des professionnels œuvrant dans le système. Il s’agit bien d’une responsabilité en fiducie transmise par le peuple aux acteurs par la voie de nos institutions démocratiques. Il y a même lieu de créer une nouvelle institution. Faisons une Place au Dialogue.
Deuxièmement : il faut traiter d’une manière explicite la situation de la non coopération, c’est-à-dire de la résistance ou de l’obstruction au changement de culture. Il faut donner le pouvoir à la magistrature dans des termes clairs et nets, le pouvoir d’ordonner la coopération, l’exercice de ce pouvoir étant toujours assujetti au principe de la légalité et aux principes de la justice naturelle. Autrement, l’intention de l’Assemblée nationale du Québec d’effectuer un changement de culture sera de nouveau frustrée.
L’adoption d’une loi et de ses règlements n’est pas suffisante. Ce n’est qu’un départ. Il nous faut d’autres mesures pour appuyer et soutenir le changement de culture. La plus importante de ces mesures, le sine qua non, c’est l’éducation, au point qu’il faudrait insérer dans la loi et ses règlements des dispositions concrètes et précises à ce sujet. L’éducation mériterait à elle seule un Livre, avec titres, chapitres et articles. Un des effets du changement de culture, c’est la dé-formation et la ré-formation qui s’imposent pour les adultes. Est-ce qu’on se dirige vers une nouvelle profession?
J’aimerais écrire quelques mots sur les effets économiques d’un changement de culture du débat au dialogue. 1. Les effets sont très significatifs. 2. Les effets se produisent tant du côté des gains que du côté des coûts. 3. Les effets sont distribués à tous les intéressés. 4. Les effets incluent la résolution au-delà du règlement. 5. Les effets coupent les coûts par au moins 50%. 6. Les effets permettent aux professionnels de rentabiliser leurs pratiques. 7. Les effets rendent l’aide juridique plus efficace. Oui, il y a un investissement important à faire dans l’éducation, mais il y a possibilité de bénéfices d’envergure. De toute façon, il faut que nous soyons en mesure de dénouer les impasses et de trouver des solutions justes et équitables.
Dans un contexte de guerre et de paix, la diplomatie et la paix s’enchaînent. Combien de fois n’a-t-on pas entendu que l’échec de la diplomatie justifiait la guerre, l’incivilité. Dans l’administration de la justice, la magistrature et le Barreau font souvent appel à la civilité, cette dernière correspondant à la diplomatie. Est-ce que ce n’est pas la paix, la civilité, la diplomatie qu’on veut et non pas la guerre? La guerre est donc un risque à gérer sinon à éviter. Pour bien faire, il faut nous éloigner toujours plus de la guerre. Il nous incombe non seulement de débattre et de parler mais aussi de dialoguer à partir de nos connaissances pour atteindre la justice.
Que l’avant-projet soit modifié en conséquence.