Le fournisseur d’une composante d’un produit n’est pas automatiquement responsable de son défaut
Souvent, un demandeur poursuit plusieurs personnes qui sont intervenues dans la chaîne de fabrication d’un produit. Parfois, le simple fournisseur d’une pièce se retrouve au milieu d’un litige relatif au défaut du produit.
Il devient fort difficile pour le fournisseur d’une seule composante de se voir poursuivi du fait du prétendu défaut d’un produit contenant dix, cent ou plusieurs centaines de pièces distinctes.
Il est en droit d’exiger que celui qui l’attrait à l’affaire devant les tribunaux soit en mesure d’apporter la preuve du rôle de la composante quant au prétendu défaut de fabrication et comme cause proximale du dommage.
Ce fournisseur devrait chercher à procéder à ce débat de façon préliminaire, dans les cas qui le permettent, plutôt que d’attendre le procès.
Il évitera des coûts importants mais, en plus, il pourra ainsi faciliter le travail du tribunal et des autres parties en faisant évacuer un débat inutile pour l’adjudication des droits des parties concernées.
Un récent jugement de la Cour supérieure illustre cette situation (Société immobilière du Québec c. Caron Construction Inc. (2011 QCCS 6114).
Ici le fabricant de plaques chauffantes pré usinées, Copal (Canada) Ltée, et Flexco, le vendeur, demandaient le rejet de l’action en garantie dirigée contre eux par la société défenderesse chargée de l’installation des composantes du système (en l’occurrence un système devant permettre de faire fondre la neige recouvrant les rampes d’accès d’un grand immeuble). Le système ayant mal fonctionné, il avait dû être remplacé.
La partie demanderesse, propriétaire de l’immeuble, réclame de l’entrepreneur ayant réalisé les travaux le coût de reconstruction des rampes avec un système fonctionnel pour la fonte de la neige. Le propriétaire reproche à l’entrepreneur une mauvaise installation du système. Elle ne serait pas conforme aux règles de l’art.
L’entrepreneur appelle en garantie l’électricien (qui a installé les boites de jonction) et d’autres parties aux travaux.
Trois ans après l’institution de l’action, l’électricien poursuit Copal et Flexco, affirmant que ces sociétés pourraient être responsables advenant que la preuve démontre un mauvais fonctionnement des panneaux chauffants fabriqués par Copal.
L’électricien plaide que les articles 1729 et 1730 du Code civil font que Copal est présumé connaître le vice de fabrication du seul fait que le produit s’est détérioré prématurément. Ce serait donc à Copal de prouver qu’il n’y avait aucun vice de fabrication. Mais la cour note que pour mettre en branle cette présomption et pleinement bénéficier de la garantie due par le fabricant, encore faut il que l’électricien prouve que le bien a mal fonctionné ou que sa détérioration eut lieu prématurément par rapport à des biens semblables vendus sur le marché.
Étant donné que l’électricien n’invoquait aucun mauvais fonctionnement ou détérioration soudaine dans ses procédures, le tribunal décida qu’il n’entendait pas ou ne pouvait en faire la preuve et que, partant, l’action en garantie est vouée à l’échec. L’irrecevabilité du recours en garantie est donc prononcée séance tenante.
Le tribunal note qu’il ne suffit pas d’invoquer de façon générale un mauvais fonctionnement du produit. Qui plus est, même la présomption du vice décrétée par le Code civil ne peut toucher de façon égale toutes les composantes d’un bien du seul fait qu’il a fait défaut.
Conclusion : Le fabricant ou le fournisseur d’une composante d’un produit devrait rapidement déterminer les causes précises de reproche de la partie cherchant à l’attirer dans un recours en garantie afin d’envisager la possibilité de demander le rejet de l’action à son égard si la composante dont il est responsable ne peut avoir joué un quelconque rôle dans le prétendu défaut du bien.