La grève dans les CPE : peut-on se le permettre?

Vendredi dernier, les travailleurs et travailleuses de 360 Centres de la petite enfance (« CPE ») ont tenu une journée de débrayage. Selon les informations obtenues du site web de Cyberpresse (http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201202/10/01-4494784-greve-des-cpe-debrayage-dans-la-joie-et-la-determination.php), l’enjeu principal était le nombre de semaines de vacances auxquelles ont droit les travailleurs et travailleuses en question que le gouvernement veut harmoniser à celui des autres employés de l’État en le limitant à cinq (5) semaines de vacances après vingt-cinq (25) années de service.

Et alors que j’écris ces lignes, ça ne semble pas près de s’améliorer, des journées de grève étant maintenant annoncées pour mercredi et jeudi de cette semaine (http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/education/201202/13/01-4495470-nouvelle-journee-de-greve-dans-360-cpe-mercredi-et-jeudi.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B4_manchettes_231_accueil_POS2). On apprend dans le même article qu’outre les vacances, les salaires sont également un enjeu, le syndicat réclamant, selon ce que rapporte Cyberpresse, des augmentations de l’ordre d’environ 4% par année (11,25% sur 3 ans).

Sans même analyser le bien fondé ou non de la demande syndicale, je m’interroge sur la problématique en soi de la grève dans les CPE. Dès le départ, le contexte applicable est complètement différent de celui qui prévaut dans l’entreprise privée. Tout d’abord, il y a évidemment le statut « d’otage » des utilisateurs des CPE en question. Lorsque notre gouvernement a mis en place le système de garderie à prix « modique » (qui n’a en fait de modique que ce que l’utilisateur paie directement, le gouvernement assumant le reste, le tout financé par le biais de taxes directes ou indirectes), nombre de familles ont adapté leur style de vie en conséquence. Combien de femmes ou d’hommes on ainsi choisi de réintégrer le marché du travail en confiant leurs jeunes enfants à des CPE?

Plusieurs de ces familles se sont retrouvées vendredi dernier à devoir rester à la maison, souvent sans salaire, pour s’occuper de leurs enfants. Car qu’on se le dise bien, pour la plupart de ces familles, il n’y a pas de Plan B. Ce n’est pas comme le client qui constate que son magasin préféré est en grève et qui se rend alors chez son concurrent. Ici, il n’y a pas de concurrent prêt à recevoir vos enfants à quelques jours de préavis.

Il y a aussi le problème de la négociation comme telle. D’un côté, le syndicat qui souhaite, légitimement, obtenir les meilleurs avantages possibles pour ses membres. De l’autre, un gouvernement qui négocie, avec nos taxes, le coût des services de garde. Le but du syndicat, comme on se plait à nous le répéter, n’est pas de nuire aux parents des enfants concernés mais plutôt de les « alerter » à la problématique que les travailleurs et travailleuses des CPE vivent. Mais à la fin de la journée, ce sont les parents des enfants qui paient le prix de ces arrêts de travail.

On a donc une grève qui affecte les parents de façon substantielle en les empêchant, dans bien des cas, de travailler et de recevoir leur rémunération habituelle pour ces jours de grève et parallèlement, qui affecte également leurs employeurs qui se retrouvent alors à devoir faire face à un manque de personnel. Dans une période économique comme celle que l’on traverse, peut-on réellement se le permettre?

Mais il y a plus. La grève déclenchée dans les 360 CPE a essentiellement pour objectif d’obtenir du gouvernement des augmentations de salaire et des avantages additionnels qui ultimement, entraîneront des hausses de coûts pour l’État québécois. Mais qui devra financer ces hausses de coûts? Les contribuables, évidemment, que ce soit par des taxes directes ou indirectes ou par des baisses de services dans le reste de l’appareil étatique. À ce compte-là, si la tactique syndicale fonctionne, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour le contribuable! Et quand aux parents affectés par la grève, ils se retrouvent doublement punis.

N’est-il pas temps de repenser cette logique pour éviter que le contribuable soit pris dans un tel engrenage? Le Code du travail encadre déjà la grève dans certains services publics par le biais des services essentiels. Dans la liste des services publics susceptibles d’être visés (article 111.0.16 du Code du travail), ont retrouve déjà les municipalités (pensez à l’enlèvement de la neige, la collecte des ordures, les réseaux d’aqueducs ou d’égoûts), les entreprises de téléphone, les entreprises de transport collectif, les entreprises de production, transport ou distribution de gaz, les services ambulanciers, les entreprises d’incinération et d’enlèvement des déchets et ordures ménagères et j’en passe. Les services de garde ne devraient-ils pas faire partie de cette liste?

De leur côté, les policiers et les pompiers sont tout simplement privés du droit de grève (article 105 du Code du travail). Ils bénéficient en revanche de l’arbitrage pour régler leurs différends avec le gouvernement. Une telle approche, assujettie à des balises tenant compte de la capacité de payer de l’État, devrait-elle être considérée?

Une chose est certaine, je ne pense pas que l’on peut comme société permettre que perdure plus longuement la situation dans laquelle se retrouve les parents des 360 CPE affectés.

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