Un parachute doré pour nos associés directeurs?
L’innovation est une étrange créature. C’est l’innovation qui a propulsé Research in Motion au sommet jusqu’en 2008 et c’est maintenant l’absence d’innovation, ou plutôt l’innovation de ses compétiteurs, qui fait vaciller l’entreprise de Waterloo.
Dans le monde des technologies, il est bien évident qu’aucune entreprise ne peut s’asseoir sur ses lauriers. Cette réalité fait en sorte que les organisations ont avantage à offrir à leur chef des incitatifs pour faire croître la valeur de l’entreprise à long terme plutôt qu’à court terme, comme des options d’achat d’actions ne pouvant être exercées qu’après un certain temps.
Or, qu’en est-il de l’industrie juridique? Ou plutôt, est-ce que les associés d’un bureau peuvent se permettre de prendre un peu moins de bénéfices à court terme afin d’investir des sommes importantes dans l’innovation, de sorte que l’ensemble du cabinet puisse récolter le fruit de ces investissements dans 2 à 5 ans?
La structure de notre profession rend ceci plutôt difficile. En effet, les associés qui ont beaucoup d’expérience et qui approchent de leur retraite ont une voix importante autour de la table où se prennent les décisions et il n’est souvent pas dans leur intérêt pécuniaire d’agir ainsi. Les acteurs du changement se butent donc souvent à des fins de non-recevoir, ce qui est tout naturel…
Ça prend donc un leadership très fort pour s’assurer que ces changements s’opèrent de façon à protéger un cabinet du désastre qui peut résulter d’une inertie prolongée.
Mais dans les faits, quelle est la meilleure façon d’encourager ce type de leadership? Dans un rapport intitulé «Is Pay-for-Performance Detrimental to Innovation?», les professeurs Florian Ederer et Gustavo Manso, respectivement de UCLA et Berkeley, ont trouvé que le type de type de rémunération optimal, soit celui qui générait les meilleurs résultats à long terme, était celui où leurs sujets avaient une certaine marge de manoeuvre pour échouer, tout en étant récompensé de manière importante en cas de succès à long terme.
Il y aurait donc un lien causal direct à établir entre le type d’incitatifs offerts au chef d’une organisation et la performance observée. Ces chercheurs émérites avancent même que l’idée d’un parachute doré, soit un mécanisme par lequel le chef d’une organisation touche un montant d’argent pour amortir sa chute s’il est remercié de ses fonctions, stimule l’innovation puisqu’il permet une certaine sécurité advenant le cas où la tentative d’innovation se solde par un échec.
Les résultats de cette étude (résumés par le professeur Ederer dans un vidéo ici; commencez vers 3:51) semblent très défendables, même s’il est plutôt utopique de penser que ça pourrait fonctionner dans le contexte d’un bureau d’avocats.
Bien honnêtement, je n’ai jamais eu la chance de voir le contrat d’un associé directeur de grand cabinet, mais je me demande s’ils sont suffisamment protégés pour avoir les coudées franches. Est-ce en partie ce qui freine l’innovation dans l’industrie juridique?