Le vote majoritaire modifié – un grand pas vers la démocratie corporative
Suite à d’importants débats entre des émetteurs et investisseurs institutionnels au sujet du mode d’élection des administrateurs d’entreprises publiques, la Coalition canadienne pour une saine gestion des Entreprises (la « CCGG ») a recommandé que les sociétés par actions canadiennes remplacent le vote à la majorité simple par le vote majoritaire modifié.
Le vote majoritaire modifié devrait permettre aux actionnaires de participer plus efficacement aux élections du conseil d’administration tout en respectant la législation corporative existante ainsi qu’en octroyant au conseil la marge de manœuvre nécessaire pour agir dans les meilleurs intérêts de la société par actions.
Le vote majoritaire modifié se comprend mieux en le comparant au vote à la majorité simple par liste d’administrateurs, qui est la manière traditionnelle par laquelle les administrateurs des sociétés par actions publiques canadiennes sont élus, au vote à la majorité simple par individu par lequel chaque actionnaire vote pour des candidats individuels, ainsi qu’au vote à la majorité « pur » par lequel chaque candidat doit obtenir une majorité de voix exprimées pour être élu.
Le vote à la majorité simple par liste d’administrateurs
Traditionnellement, les sociétés par actions publiques canadiennes composent et soumettent une liste de candidats pour l’élection. Les actionnaires qui participent aux suffrages ont alors deux options : soit de voter « pour » la liste proposée telle que décrite dans le circulaire de sollicitation de procurations de la direction, soit de s’abstenir de voter.
Peu importe le nombre d’abstentions, dès que la liste proposée par la direction obtient au moins un vote « pour », les candidats qui la composent sont élus en bloc et deviennent tous des administrateurs de la compagnie.
Si un actionnaire est en désaccord avec la liste d’administrateurs proposée par la direction ou s’il s’objecte à l’élection de l’un de ces candidats en particulier, il doit alors présenter une liste d’administrateurs entièrement nouvelle pour l’élection. S’il advient que plusieurs listes d’administrateurs sont proposées lors de l’élection, les candidats de celle qui reçoit le plus de votes « pour » sont élus. Cette situation présente un défi significatif pour les actionnaires qui, en plus de devoir composer une liste entière de nouveaux candidats, doivent solliciter des votes pour appuyer cette dernière à des coûts très élevés.
Le vote à la majorité simple par individu
Certaines sociétés par actions reconnaissent que des actionnaires puissent vouloir s’abstenir de voter pour un ou plusieurs des candidats sans pour autant vouloir le faire pour l’ensemble des administrateurs proposés. Le vote à la majorité simple par individu permet aux actionnaires de voter pour des candidats individuellement plutôt que pour des listes entières. Ainsi, le formulaire de procuration contient une énumération de tous les noms des candidats, ce qui permet aux actionnaires de voter « pour » ou de s’abstenir de voter pour chacun d’eux.
Bien qu’un candidat reçoive un seul vote « pour », il est tout de même élu. Si un individu proposé par la direction déplait aux actionnaires, ils peuvent alors soumettre une autre candidature individuelle plutôt que de devoir soumettre une liste entière de nouveaux candidats. Suite à l’élection, les personnes qui obtiennent le plus de vote « pour » sont élues en fonction du nombre de postes à combler au sein du conseil d’administration.
Le vote à la majorité « pur »
Tant pour les suffrages où l’on retrouve des listes de candidats que pour ceux où des candidatures individuelles sont proposées, la législation canadienne qui encadre les sociétés par actions ne permet que de voter « pour » ou de s’abstenir de voter. Les lois qui régissent les formulaires de procuration utilisés par les sociétés par actions canadiennes, tout comme les réglementations provinciales corporatives de ce genre, ne permettent pas aux actionnaires de voter « contre » les candidats. Ainsi, le vote à la majorité « pur », au terme duquel les candidats doivent obtenir plus de votes « pour » que de votes « contre » pour être élus, n’est présentement pas une option disponible pour les sociétés par actions au Canada.
Le vote majoritaire modifié
La CCGG nomme ce mode de scrutin « vote majoritaire », probablement puisque il s’agit de la seule forme de vote majoritaire qui est permis au Canada.
Au lieu de voter « pour » une liste entière de candidats (ou s’abstenir de voter), les actionnaires votent « pour » des candidatures individuelles (ou s’abstiennent de voter), comme c’est le cas lors d’un vote à la majorité simple par individu.
Lors d’un vote majoritaire modifié, on considère les abstentions comme étant des votes « contre ». Ainsi, n’importe quel candidat qui obtient plus d’abstentions que de votes « pour » doit, en vertu de la politique du conseil d’administration, soumettre sa démission au conseil élu puisque l’on considère que ce candidat ne possède pas la confiance des actionnaires, et ce, même si son élection serait reconnue par les lois applicables à la société par actions.
La démission du candidat prend effet dès que le conseil d’administration nouvellement élu l’accepte. La CCGG soutient qu’il faut s’en remettre à la discrétion du conseil pour déterminer s’il est dans le meilleur intérêt de la société par actions d’accepter ou non la démission, comme dans des situations où personne n’est élu.
La politique du conseil d’administration, dont un exemple se retrouve ici, concernant le vote majoritaire modifié doit prévoir qu’elle ne s’applique pas aux élections contestées dans le cadre desquelles une ou plusieurs candidatures qui n’émanent pas de la direction sont proposées par l’émission de documents de procuration puisque dans ces cas-ci, le candidat qui obtient le plus de votes sera élu.
En conclusion, le vote majoritaire modifié tente de réconcilier le vote à la majorité simple et le vote à la majorité « pur », en permettant aux actionnaires d’avoir un impact réel sur les résultats d’une élection et en donnant au conseil d’administration la marge de manœuvre nécessaire pour agir dans le meilleur intérêt de la société par actions.