Le mécanisme de la convention unanime des actionnaires dans la Loi sur les sociétés par actions
Déjà plus d’un an s’est écoulé depuis l’entrée en vigueur au Québec de la Loi sur les sociétés par actions (« LSAQ »). Cette loi, qui a remplacé la Partie 1A de Loi sur les compagnies (« LCQ »), a eu pour effet de moderniser le droit québécois en matière de personnes morales. Les réformes introduites ont permis notamment de clarifier le mécanisme de la convention unanime des actionnaires.
La convention unanime des actionnaires est une convention conclue entre les actionnaires qui leur permet de restreindre ou de retirer, en tout ou en partie, les pouvoirs du conseil d’administration de gérer les activités et les affaires internes de la société afin de les exercer eux-mêmes. La convention unanime n’est valide que si elle est signée par tous les actionnaires de la société, incluant ceux n’ayant aucun droit de vote. La convention unanime se distingue des autres conventions pouvant être conclues entre les actionnaires (telles que celles restreignant la libre cession des titres) en ce qu’elle n’a pas pour effet de régir les rapports des actionnaires entre eux. Cependant, la convention unanime fait dans bien souvent partie intégrante d’une convention entre les actionnaires.
Il faut noter que la convention est dite unanime peu importe le titre qui lui est attribué. En effet un document signé par l’ensemble des actionnaires ayant pour objet de restreindre ou retirer les pouvoirs du conseil d’administration est une convention unanime. À titre d’exemple, la partie d’un contrat en vertu duquel certaines décisions du conseil d’administration doivent être soumises à l’approbation préalable des actionnaires se veut une convention unanime étant donné que les pouvoirs des administrateurs y sont restreints. Les règles de la LSAQ applicables à ce mécanisme s’appliquent également à une résolution écrite signée par l’ensemble des actionnaires qui autorise le retrait de certains pouvoirs des administrateurs.
Si les actionnaires exercent les pouvoirs du conseil d’administration, en contrepartie ils doivent en assumer les devoirs, obligations et responsabilités.Par conséquent, les actionnaires sont tenus envers la société, dans l’exercice de ces pouvoirs restreints ou retirés, d’agir avec prudence et diligence, de même qu’avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la société et non dans leur intérêt respectif. Les administrateurs en seront alors déchargés dans la même mesure. Les actionnaires peuvent dans ces circonstances invoquer tous les moyens de défenses que la loi réserve aux administrateurs lorsque leur responsabilité est mise en cause.
La LSAQ prévoit que, conformément à la Loi sur la publicité légale des entreprises, la société est tenue de déclarer auprès du registraire des entreprises du Québec l’existence d’une convention unanime de ses actionnaires et, si cette convention retire tous les pouvoirs des administrateurs, elle doit déclarer également les noms et domiciles de ceux qui assument désormais ceux-ci. De telles exigences, qui n’étaient pas prévues sous la LCQ, permettent aux tiers, plus spécifiquement les créanciers de la société, d’être informés des personnes qui assument les devoirs, obligations et responsabilités des administrateurs.
La LSAQ précise par ailleurs que dans le cas où la convention unanime retire tous les pouvoirs des administrateurs, les actionnaires ont le droit de choisir de ne pas constituer de conseil d’administration. Il faut également noter que les actionnaires demeurent soumis aux règles régissant les assemblées des actionnaires à l’exclusion des celles régissant les assemblées des administrateurs malgré qu’ils exercent les droit de ces derniers.
Une disposition de la LSAQ qui fait couler beaucoup d’encre depuis son introduction est celle permettant aux créanciers de la société de consulter la convention unanime et d’ainsi prendre connaissance de la teneur de celle-ci. D’ailleurs, une chronique sur ce même site traite de manière élaborée de ce droit de consultation des créanciers. Les actionnaires seraient avisés de prendre les précautions qui s’imposent afin de protéger les renseignements qui leur sont privés et confidentiels et qui pourraient se trouver dans un document qui intègre une convention unanime.
Contrairement au principe de droit général qu’une convention n’a d’effet qu’entre les parties qui l’ont conclue, la LSAQ énonce que toute personne qui devient un actionnaire de la société après la conclusion de la convention unanime sera liée à celle-ci sans qu’elle soit requise d’y intervenir directement. Pour y être ainsi lié, l’actionnaire subséquent doit seulement être avisé de l’existence d’une telle convention. Il est présumé être avisé si le certificat d’actions qu’il détient fait mention de l’existence d’une telle convention ou, lorsqu’il s’agit d’actions sans certificat, s’il a reçu un avis qui en fait état. À défaut d’être ainsi avisé au moment de l’acquisition des actions de la société, la loi prévoit que cet actionnaire subséquent pourra, dans les trente jours suivant la date à laquelle il apprend de l’existence de la convention, résoudre l’acte par lequel il a acquis les actions, pourvu que cet acte soit à titre onéreux.
Enfin, la convention unanime prend fin dans le cas où la société devient un émetteur assujetti (soit qu’elle ait fait un appel public à l’épargne ou est autrement reconnue à titre d’émetteur assujetti en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières) ou si la société se fusionne avec une autre par voie ordinaire. La société est dans une telle situation tenue de déclarer la fin de la convention unanime auprès du registraire des entreprises.