La question des recours nationaux

La question des recours collectifs nationaux est beaucoup trop complexe pour que je puisse lui rendre justice de manière exhaustive en quelques paragraphes. Reste que je suis personnellement un adepte de l’application des règles de droit international privé de manière intégrale en matière de recours collectif. Cela veut dire que l’on peut certes intenter un recours collectif au Québec au nom d’un groupe national (ou même international) lorsque la partie intimée est domiciliée au Québec (ou qu’elle y a un établissement et que la cause d’action a trait à ses activités québécoises). Comme le démontre la récente décision que la Cour supérieure dans l’affaire Neale c. Groupe Aéroplan Inc. (2012 QCCS 902), cette opinion semble maintenant quasi unanime.

Le recours collectif en question est bien médiatisé. La requérante y demande l’autorisation d’exercer un recours collectif en dommages contre les intimées pour le compte de toutes les personnes physiques au Canada qui sont membres d’un programme Aéroplan et qui ont été affectés par les changements effectués en octobre 2006. En effet, la requérante fait valoir que ces changements unilatéraux étaient fautifs.

Saisie de la requête en autorisation, l’Honorable juge Catherine Mandeville se penche d’abord sur la nature nationale du recours proposé. À cet égard, elle souligne que les défenderesses étant domiciliées au Québec, toute personne membre d’un programme Aéroplan peut les poursuivre au Québec, éliminant tout problème territorial quant à la composition du groupe. Ce faisant, la juge Mandeville appliquait le raisonnement adopté par l’Honorable juge Danielle Grenier dans l’affaire Brito c. Pfizer Canada Inc. (2008 QCCS 2231):

[103] C’est ainsi que les règles de droit international privé prévues au Livre dixième du Code civil du Québec continuent de s’appliquer au recours collectif comme s’il s’agissait d’une procédure individuelle. Ces règles complètent les règles de la procédure civile prescrites par le Code de procédure civile.

[104] Il s’ensuit qu’en principe, un recours collectif entrepris au Québec peut avoir des ramifications d’envergure nationale ou même internationale et, comme en l’espèce, viser des membres du groupe qui sont des non-résidents ou des ressortissants étrangers. Le recours entrepris au Québec est ainsi susceptible de produire des effets à l’extérieur de cette province, sous réserve des règles de droit international privé applicables et du principe constitutionnel de la territorialité des lois.

Cette approche est selon moi respectueuse des droits de toutes les parties. Les membres du groupe ont le bénéfice de participer dans un recours où la compétence territoriale de la Cour est incontestable (et ils peuvent s’exclure s’ils ne désirent pas faire partie du groupe) et les parties intimées sont poursuivis dans leur forum naturel. Qui plus est, l’administration de la justice en sort également (théoriquement) gagnante, puisque l’on évite la duplication des procédures. En bon français, il s’agit d’un win, win, win. Du moins, selon moi.

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