L’extrait de résolution et la non conformité
Une pratique populaire dans les marchés publics impose la production d’un extrait de résolution d’une société par actions comme document d’accompagnement d’une soumission, sous peine de non conformité de cette dernière. Il résulte de cette pratique qu’un organisme public, suite au constat de l’absence d’un tel document, se voit parfois obliger de rejeter la meilleure soumission pour non-respect d’une exigence qui, selon nous, n’a pas sa raison d’être. Voyons pourquoi.
L’exigence de produire un tel extrait a historiquement pour but, lorsque celui-ci est constitué en société par actions, d’établir la preuve de consentement du soumissionnaire. Bien qu’il s’agisse ici de la meilleure façon de démontrer l’existence d’une délégation de pouvoirs en faveur du signataire d’une soumission, la question à se poser est la suivante: est-ce à ce point essentiel aux yeux de la loi pour justifier le rejet d’une soumission? La réponse est, selon nous, non, dans la plupart des cas.
En effet, la majorité des entreprises qui répondent à un appel d’offres sont des sociétés par actions constituées conformément au droit canadien qui reconnaît l’application d’une règle de droit importante dénommée par les tribunaux «indoor management rule». Selon cette règle, les tiers, agissant de bonne foi, bénéficient d’une présomption d’autorité de la personne qui prétend agir pour et au nom de la société par actions avec laquelle ils contractent. Autrement dit, le non respect des règles internes émanant des statuts, règlements internes ou conventions entre actionnaires d’une société par actions qui dépose une soumission ne sont pas opposables aux tiers de bonne foi. Les organismes publics, en tant que bénéficiaires de cette règle, ont donc le droit de croire que la personne avec laquelle ils transigent jouit des pouvoirs et autorisations requis pour signer et donner plein effet à la soumission sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un extrait de résolution à cette fin.
Cette règle, d’origine britannique, prévaut dans de nombreux pays dont le droit des sociétés est d’inspiration anglaise dont notamment les État-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie etc.). Exception faite de l’Europe continentale, ces pays représentent le principal bassin des soumissionnaires au Québec.
Cela dit, il faut reconsidérer cette pratique qui ne sert pas nécessairement bien les marchés publics ou, à tout le moins, l’assouplir pour ne pas en faire arbitrairement un cas de mort subite d’une soumission.