Gare aux médias d’information et aux médias sociaux: des procédures judiciaires peuvent avoir de graves conséquences sur la réputation d’une entreprise!
Qu’ont en commun Alimentation Couche-Tard, Industries Lassonde, Le Groupe Jean Coutu et Dunkin’ Donuts?
Il s’agit là de quatre entreprises qui font partie du groupe sans cesse grandissant de celles dont un ou plusieurs dossiers devant les tribunaux ont fait l’objet de nouvelles, d’articles et/ou de commentaires dans des médias sociaux (pour Industries Lassonde) et dans les médias d’information.
Au cours des dernières années, nous avons tous été à même de constater l’appétit insatiable des médias d’information pour les affaires judiciaires.
Des journalistes suivent quotidiennement les jugements rendus par nos tribunaux et, selon ce que certaines personnes m’ont rapporté, certains demandent même à des préposés des greffes judiciaires de les tenir au courant de toute procédure judiciaire pouvant présenter un intérêt pour le public.
À cela s’ajoute maintenant tout le phénomène des médias sociaux dans lesquels n’importe qui peut lancer une nouvelle dont la diffusion (que l’on qualifie, non sans raison, de « virale ») dépendra seulement des réseaux auxquels cette personne adhère et de l’intérêt des autres personnes sur ces réseaux.
Comme dans le litige de marques de commerce qui opposait les Industries Lassonde à L’Oasis d’Olivia, les médias sociaux ne se préoccupent aucunement des questions juridiques, de la trame factuelle et des véritables motifs derrière un litige. Ils suscitent rapidement une réaction, surtout émotive, des internautes qui, fondée ou non, peut avoir de graves conséquences sur la réputation d’une entreprise ainsi que, dans plusieurs cas, sur le volume de ses ventes (surtout aux consommateurs).
Il s’agit donc là d’un risque dont toute entreprise, ainsi que ses conseillers juridiques, doit tenir compte et qu’elle doit bien évaluer avant d’instituer des procédures judiciaires, surtout dans le cas où l’autre partie peut être perçue (la perception étant ici le critère) comme plus faible ou vulnérable.
Il faut aussi en tenir compte dans le choix et le libellé de nos procédures qui pourront très bien prendre le chemin des médias.
Y a-t-il moyen de minimiser ce risque?
Heureusement, oui.
La médiation, l’arbitrage et les autres moyens non judiciaires de règlement des différends sont autant de mécanismes permettant de résoudre (par entente ou par décision) un litige sans avoir à le rendre public.
Pour le juriste, il y a là matière à réflexion (et à discussion avec ses clients) puisque la plupart des dirigeants d’entreprises ne réalisent pas, avant qu’il ne soit trop tard, le risque que leurs dossiers judiciaires soient rendus publics et, surtout dans les médias sociaux, puissent faire l’objet de commentaires et d’interventions nuisibles à leur image, à leur réputation et… à leur chiffre d’affaires.
Pour éviter ce risque, il faut évidemment envisager ces outils non judiciaires de règlement de différends avant même que des procédures judiciaires n’aient été instituées, d’où l’importance d’aborder ce sujet dès les premières étapes d’un dossier.
Le rôle de l’avocat(e) exerçant en litige comme expert en différends implique aujourd’hui qu’elle, ou qu’il, donne les conseils appropriés pour prévenir et éviter les dommages collatéraux d’un litige, entre autres sur la réputation de sa cliente.
Évidemment, dans plusieurs cas, la voie judiciaire demeurera celle choisie, mais elle le sera alors en toute connaissance de cause et après une évaluation de l’ensemble des risques qu’elle pose.
Cette nouvelle réalité touche aussi la pratique des avocat(e)s qui rédigent des contrats.
La meilleure façon de s’assurer que les parties, et leurs procureurs en litige, fassent appel à un moyen non judiciaire de règlement de différend consiste encore à stipuler une clause à cet effet dans le contrat.
C’est donc là un sujet important dans l’agenda des négociations menant à un contrat ainsi que dans sa rédaction. Ne pas en discuter à ce moment, ou ne pas en traiter dans le contrat, constitue une décision dont il est important d’évaluer les risques avant d’apposer sa signature sur celui-ci.