Deux nouvelles décisions importantes du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec en matière d’interdiction de partage d’honoraires

Le 23 janvier dernier, le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec a rendu deux nouvelles décisions importantes en matière de partage d’honoraires dans des affaires impliquant les pharmaciens-propriétaires Michel Cadrin et Gilles Fleury.

Rappelons que l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens édicte que: « Le pharmacien ne peut partager les bénéfices provenant de la vente de médicaments ou ses honoraires qu’avec un autre pharmacien et dans la mesure où ce partage correspond à une répartition de leurs services et responsabilités respectifs.« 

En se fondant sur cet article, le Bureau du Syndic de l’Ordre des pharmaciens du Québec a pris, depuis plusieurs années maintenant, une position ferme à l’effet que le montant des honoraires d’un pharmacien ne peut servir de base au calcul de montants payables par celui-ci à un non-pharmacien à moins que le pharmacien ne soit en mesure de démontrer que les montants ainsi payés équivalent à « la juste valeur marchande » des services rendus au pharmacien.

Cette règle est appliquée même lorsque, comme dans les deux affaires faisant l’objet des décisions du 23 janvier dernier, le « non-pharmacien » concerné est une société détenue entièrement (où, comme dans ces affaires, presque entièrement) par les pharmaciens visés.

Dans ses deux décisions du 23 janvier dernier, le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec a en effet reconnu MM. Cadrin et Fleury coupables d’avoir ainsi illégalement partagé leurs honoraires avec leur propre société, Cadrin & Fleury inc.

Ce partage d’honoraires découlait du fait que, selon le Conseil de discipline, le loyer payable par ces pharmaciens à leur société était fondé sur un pourcentage des ventes de leur pharmacie sans qu’une preuve suffisante n’ait été faite, du moins à la satisfaction du Conseil de discipline, à l’effet que ce loyer correspondait à « la juste valeur marchande » de l’espace loué aux fins de leur pharmacie.

MM. Cadrin et Fleury peuvent maintenant en appeler de cette décision devant le Tribunal des professions.

Ces deux décisions s’inscrivent dans une lignée de quelques décisions similaires rendues depuis 2007 contre des pharmaciens pour avoir ainsi partagé leur honoraires, même avec des sociétés leur appartenant, notamment dans le contexte de baux, ou sous-baux, pour leurs officines.

Nous nous souviendrons que, en 2002, dans l’affaire Pharmacentres Cumberland (Merivale) ltée c. Lebel et Cartier, la Cour d’appel du Québec avait, pour sensiblement les mêmes raisons, déclaré nulle la clause de la convention de franchise du réseau Cumberland stipulant des redevances calculées sur la base d’un pourcentage du chiffre d’affaires brut de l’établissement (comprenant la partie commerciale et la pharmacie) de ses franchisés.

À l’heure actuelle, du moins jusqu’à ce que, le cas échéant, un tribunal interprète différemment l’article 49 du Code de déontologie des pharmaciens, la prudence en matière de contrats liant un professionnel à un non-professionnel veut que l’on soit en mesure d’établir que les sommes payables par le professionnel équivalent à la « juste valeur marchande » de la contrepartie rendue par le non-professionnel. Le respect de ce critère s’imposera encore plus lorsque les honoraires (et, dans le cas d’un pharmacien, les profits provenant de la vente de médicaments) constituent l’un des éléments utilisés aux fins du calcul de sommes payables à un non-pharmacien.

Soulignons enfin que ces règles s’appliquent aussi, avec quelques variantes et distinctions, à l’ensemble des professions régies par le Code des professions puisque les codes de déontologie de toutes les professions comportent un article interdisant, de façon générale, au professionnel de partager ses honoraires avec une personne qui n’est pas membre de sa profession.

Je suis toujours à votre service pour toute question ou pour tout commentaire.

P.S.: Si vous désirez obtenir copie de l’une ou l’autre des décisions mentionnées dans cet article, vous n’avez qu’à me transmettre un courriel à cet effet à l’adresse jhgagnon@jeanhgagnon.com et il me fera grand plaisir de vous la transmettre sans délai.

Jean H.

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