La Cour supérieure ordonne le respect d’une clause de médiation obligatoire… en y ajoutant une modalité!
La jurisprudence en matière de clause de médiation comme étape préalable à l’institution d’un recours judiciaire, quoique pas encore unanime, progresse de façon de plus en plus claire dans le sens du caractère exécutoire d’une telle clause.
Le jugement rendu le 30 janvier 2013 par l’Hon. juge Bernard Godbout, de la Cour supérieure du Québec, dans l’affaire Alarium inc. c. De La Rue International Ltd., en est un ordonnant aux parties de se conformer à une clause de médiation obligatoire, mais, et ce qui fait la particularité de ce jugement, en assortissant la médiation d’une modalité non stipulée à l’entente.
Le recours judiciaire dans cette affaire consistait dans une réclamation d’une commission stipulée à une entente signée entre une entreprise québécoise, la demanderesse, et une entreprise britannique et sa filiale ayant une place d’affaires à Toronto, les défenderesses.
Le contrat entre les parties stipulait cependant la clause suivante:
«ii) In the event of any dispute between the parties in connection with this Agreement, the parties shall use all reasonable efforts to settle such dispute amicably by negotiation. If the parties are unable to settle such dispute by negotiation within 21 days, they shall attempt to settle it by mediation in accordance with the Centre for Effective Dispute Resolution Limited’s Model Mediation Procedure. […]
III) The mediation shall take place in London and the language of the mediation shall be English […].»
Or, malgré le libellé de cette clause, la demanderesse a institué, devant la Cour supérieure du Québec, une action en réclamation de commission sans s’être préalablement soumise à la médiation qui y était stipulée.
Les défenderesses ont alors répliqué par une requête pour suspension de l’instance et pour renvoi à la médiation sur laquelle l’Hon. juge Godbout s’est prononcé par ce jugement.
En premier lieu, le tribunal constate, notamment en raison de l’utilisation dans la clause du mot « shall » (souligné dans le jugement), que les parties ont bien voulu que la médiation soit une étape obligatoire préalablement à l’institution de procédures judiciaires.
Se fondant sur l’article 1458 du Code civil du Québec, le tribunal a conclu qu’il était autorisé à renvoyer les parties à la médiation.
En second lieu, le tribunal s’est posé la question de savoir si la réclamation faisant l’objet du recours judiciaire institué devant la Cour supérieure était assujettie à cette clause, pour y répondre par l’affirmative.
Comme, selon le tribunal, le libellé de la clause énonçait clairement le caractère obligatoire de la médiation et comme la réclamation faisant l’objet du recours devant lui y était assujettie, l’Hon. juge Godbout a donc accueilli la requête des défenderesses, ordonné aux parties de se soumettre au processus de médiation obligatoire prévu à leur contrat et ordonné la suspension de l’instance devant la Cour supérieure du Québec pour le temps nécessaire à la tenue du processus de médiation.
L’Hon. juge Godbout ne s’est cependant pas arrêté là.
Constatant que la clause prévoyait que la médiation devait avoir lieu à Londres (Royaume-Uni), pour des motifs non précisés au jugement, le tribunal a aussi décidé, en se fondant pour ce faire sur l’article 46 du Code de procédure civile, qu’il disposait « de la compétence nécessaire pour ordonner que la médiation soit exécutée à distance par le biais de la visioconférence ».
Après avoir précisé que « l’utilisation de la visioconférence est une façon pratique et économique de procéder » et que « cette façon de procéder ne contrevient pas au fait que « the mediation shall take place in London […] », le tribunal a donc assorti son jugement de cette modalité en permettant « que ce processus de médiation soit tenu au moyen de la visioconférence ».
Tout en étant fort louable sur la question du renvoi à la médiation lorsque les parties ont clairement convenu que cette étape serait obligatoire dans le cas d’un litige entre elles, ce jugement soulève une nouvelle question fort intéressante: les pouvoirs résiduels et supplétifs que le Code de procédure civile confère aux tribunaux aux fins de l’exercice de leur compétence, dont, plus spécifiquement, celui de rendre « toutes ordonnances appropriées pour pourvoir aux cas où la loi n’a pas prévu de remède spécifique » comprennent-ils celui de modifier une clause de médiation, notamment en y ajoutant une modalité que les parties n’ont pas stipulée à leur contrat?
L’ajout à un processus de médiation d’une modalité non stipulée au contrat n’est-il pas plutôt une forme de réécriture d’un contrat que les tribunaux québécois ont constamment jugé comme étant à l’extérieur de leur rôle et de leur compétence?
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Jean H.